EDIT du 13 juillet à 8h22 : Le Parquet national antiterroriste s’est saisi du communiqué du Front de libération nationale Corse. La police judiciaire reste, elle, co-saisie de l’enquête.
« Le peuple corse meurt, il disparaît ! » C’est en ces termes que le Front de libération nationale Corse (FLNC) a annoncé son retour lundi, revendiquant au passage 16 attentats contre des résidences secondaires, des entreprises du bâtiment ou des véhicules policiers. Mais que signifie ce communiqué pour le mouvement nationaliste radical ? 20 Minutes fait le point sur les implications de cette déclaration dans un contexte tendu sur l’île de Beauté.
En quoi ce communiqué est-il important ?
Le mouvement nationaliste corse s’est éloigné des actions violentes depuis plusieurs années. En 2014, le FLNC annonce un processus de démilitarisation et le FLNC du 22 octobre lui emboîte le pas en 2016. Ce communiqué annonce la reprise des actions violentes et des attentats, dont 16 ont déjà été perpétrés ces derniers mois. « Ce qui est intéressant, c’est que les deux organisations annoncent qu’elles fonctionnent ensemble alors que le FLNC du 22 octobre était un mouvement constitué de dissidents », explique Thierry Dominici, enseignant-chercheur à l’université de Bordeaux.
Régulièrement, des groupuscules se réclamant du mouvement communiquent en Corse ou appellent à une révolte armée mais jusqu’ici le FLNC « officiel » n’avait que menacé le gouvernement, sans passer le cap. C’est à présent acté et certifié, souligne Thierry Dominici, qui rappelle que le FLNC a l’habitude de transmettre au journal qui publie son communiqué (ici Corse Matin) un code, connu seulement de la police, pour prouver qu’il s’agit bien du mouvement officiel et non d’un usurpateur. A l’époque de l’assassinat du préfet Erignac par exemple, il s’agissait du numéro de série de l’arme ayant servi au crime.
Le FLNC n’a toutefois pas disparu. Ils étaient « démilitarisés pas dématérialisés » et sont « toujours présents », rappelle le politologue. Après les manifestations et les violences urbaines qui ont suivi le meurtre d’Yvan Colonna, le mouvement corse espère que la lutte armée sera à nouveau « légitimement reconnue par la base militante comme un moyen valable » et veut regagner « sa légitimité » sur la scène publique corse.
Est-ce qu’on peut craindre une montée en puissance de la violence du FLNC ?
En quatre décennies de lutte armée, le FLNC a organisé des milliers d’attentats et environ 70 personnes en sont mortes. Toutefois, les « nuits bleues », lors desquelles de nombreux attentats étaient commis simultanément ou successivement, semblent bien loin. Les 16 attentats revendiqués par le communiqué visaient essentiellement des lieux de tourisme ou des résidences secondaires et ont majoritairement été perpétrés via des incendies, pas des engins explosifs.
Sans compter que, si l’ADN du mouvement est bien dans « la série d’attentats », il s’agit surtout d’une « violence spectacle ». L’objectif affiché est de « renaître dans l’imaginaire collectif, réobtenir cette légitimité en tant que protecteur de la Corse, bandit social », explique Thierry Dominici. D’après l’expert des nationalismes, il est toutefois difficile de se prononcer sur les actions à venir du mouvement. « Dans chaque action violente, il y a un message subliminal au niveau de l’imaginaire collectif », par conséquent le choix de créer des incendies plutôt que d’utiliser des engins explosifs, « n’est peut-être pas une question de capacité mais de message envoyé ».
Qu’est-ce qui a poussé le FLNC à sortir du bois ?
Le FLNC espère retrouver son aura d’antan. Mais l’exercice risque d’être difficile alors qu’en Corse, « la violence a été effacée au profit de la politique » et les attentats remplacés par une victoire politique implacable des autonomistes. En 2017, Gilles Simeoni, autonomiste, obtient la majorité absolue aux élections régionales. Mais le mouvement nationaliste fustige « une forme de patriotisme bobo, d’autosatisfaction assumée, quel que soit le résultat obtenu ».
Mi-mars, Gérald Darmanin avait offert aux élus de l’île la perspective d’une « autonomie ». Le 21 juillet, le ministre de l’Intérieur revient en Corse après un passage du chef de l’exécutif corse à Paris. Mais le FLNC « ne croit pas aux avancées » et critique des « promesses vides ». Gilles Simeoni n’est que président de la région, pas « président ou roi de Corse », souligne Thierry Dominici.
S’il obtient « une grande décentralisation sans reconnaissance de la langue corse ou de la singularité corse, les Corses dans leur majorité seront contents, mais il va s’attirer le courroux des indépendantistes et des autonomistes ». Les militants du FLNC visent, eux, « la reconnaissance officielle du peuple corse », « une autonomie politique transitoire immédiate » et l’accession à l’autodétermination « dans un délai de cinq ans ». Un programme qui ne risque pas de s’appliquer du jour au lendemain. Même à coups de cocktails molotov.