On les a vus venir pointer leur nez dans les premières places du peloton vers la fin de la côte des Cammazes, à un peu moins de 50 km de l’arrivée à Carcassonne, ce dimanche, lors de la 15e étape du Tour de France. On se doutait bien que Benjamin Thomas et Alexis Gougeard allaient attaquer, alors que la Trek avait imposé un énorme tempo dans la montée pour éliminer une grande partie des sprinteurs. Alors, il n’y a pas eu de surprise quand les deux Français ont pris la poudre d’escampette.
Par contre, on n’imaginait pas que les deux loubards puissent se battre pour la victoire d’étape, alors qu’au moins cinq équipes (Trek, DSM, Alpecin, Ineos, Total-Direct Energie), s’étaient mises à rouler derrière eux. Une trentaine de secondes, maximum, d’avance, on ne donnait pas cher de leurs chances. Même Benjamin Thomas reconnaissait n’y avoir cru que très tard : « Je me suis mis à y croire à 5 km de l’arrivée, quand j’ai vu qu’on en remettait, que ça devenait urbain. »
Alexis Gougeard craque, Benjamin Thomas seul
En effet, après avoir vu l’écart fondre à une grosse dizaine de secondes, les deux hommes ont roulé encore plus à bloc, voyant le vent de face s’abattre sur eux. Alors que le peloton temporisait, la patrouille de France voyait son avance remonter en arrivant dans les faubourgs de Carcassonne : une trentaine de secondes à 10 km de l’arrivée et l’espoir de voir la France gagner enfin une étape sur ce Tour de France reprenait des couleurs.
Le tournant arrive à un peu moins de 5 km de la ligne. Épuisé, Alexis Gougeard craque, Benjamin Thomas doit y aller tout seul. « Je suis déçu de ne pas avoir pu le suivre, car je pense que c’était jouable à deux, je ne suis pas content de moi », avouait, la mine dépitée, le coureur de la B&B Hôtels. Même sentiment chez son partenaire de fugue : « Je me suis retrouvé tout seul, ça a été plus dur. Peut-être que si on y avait été à deux… »
« C’est un effort maximal »
Le double champion du monde de l’omnium, qui était sur ses routes dans le Tarn, lui qui est né à Lavaur, se met alors dans sa position préférée de pistard. Presque couché sur sa machine, les coudes rentrés pour qu’il y ait le moins de prises au vent possible, Benjamin Thomas avance et résiste. Et prouve qu’il existe. Huit secondes d’avance à 3,7 km de l’arrivée, treize à 3km, grâce à un virage parfaitement négocié.
« C’est un effort maximal, je ne réfléchissais à rien, commentait le coureur de la Cofidis au micro de France 2. C’était juste pousser, tirer. Je ne calculais plus rien, j’envoyais tout ce que j’avais. » Et puis, malgré ces efforts surhumains, sous une chaleur étouffante, l’avance finit par fondre : 10, 6, 5, et puis l’inévitable se produit. Le coureur de la Cofidis se fait reprendre à 400 m de la ligne par le peloton.
« On n’a rien à se reprocher »
Débordé par les sprinteurs, Benjamin Thomas finit à une anecdotique 64e place, à 24 secondes de Jasper Philipsen, vainqueur du jour. D’ailleurs, le Belge d’Alpecin a avoué après course ne pas avoir eu peur de ne pas rejoindre Benjamin Thomas. « C’est toujours dur quand il y a quelqu’un comme ça devant. Je savais qu’il ne fallait pas paniquer tant que c’était possible [de le rattraper], et je me suis concentré sur mon sprint. »
Et a mis fin aux rêves de Benjamin Thomas. Qu’on n’a pas vu trop déçu d’échouer de si peu. « J’ai tenté mon va-tout dans le final, reprenait l’ancien champion de France du contre-la-montre, habitué à ce genre d’effort solitaire. On a fait un super numéro avec Alexis. On a tenté, on n’a rien à se reprocher. Ça se joue sur le fil du rasoir, avec quelques secondes de plus… Je suis complètement mort, j’ai des étoiles dans les yeux. » La journée de repos, lundi, va faire du bien.