Des marques françaises « filtrent illégalement de l’eau contaminée »


L'eau du géant de l'alimentation et des boissons Nestlé et d'autres a été filtrée illégalement en raison de sources contaminées, selon une enquête, 30 % des marques seraient concernées.

L'enquête du journal Le Monde – et des partenaires de Les Échos et Radio-France – des marques renommées dont les noms emblématiques français Perrier et Vittel. Le 29 janvier, Les Echos affirmaient que « pendant des années, Nestlé avait enfreint la réglementation relative au maintien de la sécurité de son eau ».

FranceInfo a déclaré que Nestlé était au courant de l'enquête et envisageait de publier les allégations, les journalistes d'investigation lui ayant envoyé des questions sur l'affaire.

La question est « plus complexe » que ce que Nestlé voudrait faire croire au public, a déclaré le présentateur.

Types d'eau en bouteille en France

En France, le Code de la Santé Publique mentionne trois types d'eau en bouteille :

  • Eaux minérales naturelles, se distinguant par leur « pureté originelle » (comme Perrier, Vittel, Evian)

  • Eau de source (Cristaline)

  • Une eau « rendue potable grâce à un traitement »

Les eaux minérales naturelles et les eaux de source sont censées être protégées des risques de contamination et de pollution car elles sont puisées dans des nappes souterraines profondes.

Cela signifie que légalement, ils ne peuvent être purifiés que par un nombre limité de traitements, et l'utilisation de filtres à charbon ou de filtres UV est interdite. Le seuil de filtration ne doit pas être inférieur à 0,8 micron et la filtration ne doit être utilisée que de manière ponctuelle pour filtrer les minéraux comme le fer ou le manganèse.

L’eau minérale naturelle est déjà censée être pure et ne devrait donc pas nécessiter de purification. Ces règles strictes sont l'une des raisons pour lesquelles les Français font souvent confiance à l'eau minérale naturelle, qui est 100 fois plus chère que l'eau du robinet, mais qui est censée être « plus pure », « plus saine » et « meilleure pour la santé ».

Pratiques de filtration présumées

Les allégations concernant des sources d'eau contaminées et des pratiques de filtration se concentrent sur le procès-verbal d'une réunion au bureau du premier ministre à Matignon. Cette réunion s'est tenue en février 2023 entre le ministère de l'Économie et le ministère de la Santé.

Le procès-verbal évoque « l'action » et la « transformation » dans les usines de conditionnement d'eau de Nestlé, ainsi qu'un « contrôle bactériologique et virologique renforcé de la qualité de l'eau ».

Ils évoquent également « la possibilité d'autoriser la pratique de la microfiltration inférieure à 0,8 micron en modifiant les arrêtés préfectoraux », avec une éventuelle autorisation de l'ancienne Première ministre Elisabeth Borne.

Les enquêteurs ont examiné le procès-verbal et ont trouvé des preuves – affirment-ils – de pratiques trompeuses remontant à plusieurs années.

Avis aux travailleurs

Les allégations ont commencé à émerger en 2020, lorsqu'un travailleur anonyme de l'usine d'Alma a dénoncé ces pratiques dans un rapport soumis à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

L'usine appartient au groupe Sources Alma, qui produit une trentaine de marques d'eau connues en France, dont Cristaline, Santi-Yorre, Vichy Célestins et Châteldon.

La DGCCRF a constaté que l'entreprise semblait traiter son eau avec des matériaux non conformes, notamment une injection de sulfate de fer et de CO2 industriel, une microfiltration en dessous des seuils autorisés, et également mélanger de l'eau dite « minérale » ou « de source » avec de l'eau. du réseau (eau du robinet).

Le procureur de la République chargé du dossier, Éric Neveu, à Cusset (Auvergne-Rhône-Alpes), a ouvert une enquête préliminaire le 7 juillet 2023. Il a déclaré Le Monde et Radio-France qu'«une information judiciaire pourrait être ouverte pour plusieurs délits de tromperie».

Mais le groupe Alma a répliqué en déclarant (au présent) : « Nous n'utilisons aucun traitement non conforme ». Aucune poursuite n'a été engagée.

Filtres non autorisés chez Nestlé Waters

La DGCCRF aurait également fait d'autres découvertes et affirme que le groupe Alma n'est pas le seul à recourir à des pratiques de traitement interdites et qu'il existe des preuves selon lesquelles de nombreux fabricants du secteur ont acheté des filtres non autorisés.

Nestlé Waters, qui possède deux sites de conditionnement d'eau en France, en fait partie. Leurs usines sont dans les Vosges (marques Vittel, Contrex et Hépar) ; et dans le Gard, à Vergèze (Perrier).

Nestlé représente plus d'un tiers du marché de l'eau en bouteille en France.

Demande présumée de modification juridique

En août 2021, le géant manufacturier a demandé un entretien confidentiel avec la ministre de l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher.

Elle aurait alors déclaré avoir eu recours à des traitements non conformes, ajoutant que ceux-ci étaient nécessaires pour lui permettre de continuer à exploiter ses usines d'eau, pour traiter une eau régulièrement contaminée.

Nestlé a également – affirme-t-on – demandé au gouvernement l'autorisation de continuer à utiliser ces traitements et a suggéré que la loi soit modifiée pour autoriser l'utilisation de filtres d'une capacité de filtration inférieure à 0,8 micron.

Les enquêteurs affirment qu'à ce stade du dossier, le gouvernement a décidé de ne pas informer les tribunaux ni les autorités européennes, malgré les directives européennes et la loi française qui stipule que si un État membre a des raisons de croire qu'une eau n'est pas conforme, il doit en informer immédiatement. la Commission.

Le gouvernement est accusé d'avoir entamé des négociations avec le géant de l'eau, plutôt que de rendre compte de ses actions.

Enquêtes sur les usines de conditionnement d’eau

Mais même si le gouvernement n'a pas informé les autorités, il a lancé une enquête sur les usines de conditionnement d'eau en France.

Une lettre signée par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire à Bercy, puis par le ministre de la Santé Olivier Véran et Mme Agnès Pannier-Runacher demandent à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) d'« évaluer le recours aux traitements non autorisés par les industriels ».

La lettre, qui aurait été vue par Le Monde et Radio-Francea demandé à Igas de déterminer « quel impact ces traitements, ou leur arrêt, pourraient avoir sur la qualité sanitaire de l'eau ».

Les fabricants ont ensuite été interrogés sur les types de traitements utilisés. Au total, 32 inspections ont été réalisées, notamment dans les usines du groupe Nestlé.

Le rapport, remis au gouvernement en juillet 2022, affirme que « près de 30 % des appellations commerciales font l'objet d'un traitement non conforme », et que ce pourcentage est « très probablement plus élevé », étant donné « les difficultés pour les services de contrôle d'identifier les pratiques délibérément dissimulées », a-t-il allégué.

Le rapport affirme également que toutes les marques Nestlé sont concernées, y compris certaines dans des « violations graves » de la réglementation, notamment l'utilisation présumée de « traitements au charbon actif et aux ultraviolets », qui sont interdits.

Le groupe est également accusé d'avoir tenté de dissimuler ces traitements illégaux dans les usines, notamment en les cachant derrière des armoires électriques, et d'avoir utilisé des dispositifs pour tromper les inspecteurs sanitaires sur la provenance de l'eau.

Les sources utilisées par Nestlé sont régulièrement contaminées par des bactéries, notamment E.Coli, et des traces de pesticides, affirme le rapport.

Le rapport de l'Igas précise que « ces pratiques ne sont clairement pas conformes au code de la santé publique. Nestlé Waters a annoncé un plan pour ramener la situation à la normale, mais il n'est pas certain que la détérioration de la qualité de la ressource puisse être stoppée ».

“Filtres compatibles”

Malgré ces allégations, Nestlé Waters a affirmé que ses systèmes étaient désormais conformes.

Dans une déclaration à Radio-France et FranceInfoprécise-t-il : « Les changements des conditions climatiques et environnementales, avec la multiplication des événements extrêmes tels que les sécheresses et les inondations, combinés à l'expansion des activités humaines autour de nos sites, rendent très difficile le maintien de la stabilité des caractéristiques essentielles des minéraux naturels. eau.”

Elle affirme désormais avoir « retiré » les traitements ultraviolets et les filtres à charbon actif de ses usines, et que les systèmes de microfiltration qu’elle utilise désormais sont « compatibles avec le cadre réglementaire ».

Cependant, d'autres investigations menées par Le Monde et Radio-France affirment que ce n'est pas vrai et qu'une lettre de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail affirme ce mois-ci (janvier 2024) que les filtres ne doivent jamais être utilisée pour traiter l’eau en raison d’un « manque de qualité » à la source, comme le prétend Nestlé.

Le groupe affirme également avoir désormais « suspendu » certaines sources et avoir lancé « la production d'une nouvelle gamme de boissons à base d'eau destinée à la consommation humaine » dans le Gard pour tenir compte du « caractère plus sensible de certains puits ».

La sécurité aquatique ?

Cela a conduit à se demander si l'eau de ces marques est désormais sûre, surtout si l'entreprise a suspendu les méthodes de filtration qu'elle utilisait.

Nestlé a toutefois précisé que « la sécurité sanitaire de nos produits a toujours été garantie et reste notre priorité absolue ». Le ministère de l'Économie a également précisé qu'« aucun risque sanitaire lié à la qualité de l'eau en bouteille n'a été identifié à ce stade ».

Affaire judiciaire à venir ?

En octobre 2022, Le Monde et Radio-France ont précisé que l'Agence régionale de santé (ARS) Grand Est a saisi le procureur d'Epinal, Frédéric Nahon. Une enquête sur les infractions présumées dans les Vosges a été ouverte en novembre de la même année.

Cependant, d'autres agences de santé, dont l'ARS Occitanie (pour le Gard), sont accusées de ne pas faire grand-chose pour répondre à ces réclamations. La procureure de la République de Nîmes, Cécile Gensac, a déclaré à Radio France qu'elle n'avait “jamais entendu parler de la moindre tromperie concernant l'usine Perrier”.

L'année dernière, le directeur de l'ARS Occitanie écrivait à ses équipes qu'il ne fallait plus boire l'eau du robinet en raison de la pollution causée par les éternels polluants et sous-produits des pesticides, et qu'il fallait utiliser l'eau en bouteille comme alternative.

Cependant, Radio-France et Le Monde prétendent maintenant que de nombreuses eaux dites « naturelles » ne valent guère mieux que l’eau du robinet.

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