Impact sur le secteur de la santé en France


Une querelle a éclaté dans la communauté médicale française après que Sanofi, fabricant du populaire analgésique Doliprane, a annoncé qu’il pourrait vendre le contrôle de ses activités de soins de santé au fonds d’investissement américain CD&R.

L’activité de santé grand public de Sanofi, qui commercialise le Doliprane, s’appelle Opella. Elle a réalisé un chiffre d’affaires de 5,2 milliards d’euros en 2023 et emploie 1 700 personnes en France. Doliprane est sa deuxième marque en termes de chiffre d’affaires, avec 400 millions de boîtes vendues par an.

L’annonce par Sanofi de ses projets potentiels a suscité des réactions de colère et de confusion de la part des responsables politiques et des employés en France. Les syndicats ouvriers CFDT et CGT ont déjà appelé à une grève tournante à partir d’aujourd’hui (jeudi 17 octobre).

La question du lieu de fabrication des médicaments est particulièrement pertinente en France depuis la pandémie de Covid, lorsque le lieu de fabrication – et l’effet que cela peut avoir sur l’approvisionnement et les stocks – a été sévèrement remis en question.

De même, la France a été confrontée à un certain nombre de pénuries de médicaments ces dernières années.

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Pourquoi les salariés de Sanofi sont-ils inquiets ?

Doliprane est fabriqué sur deux sites en France.

  • Lisieux (Calvados), qui emploie 250 personnes

  • Compiègne (Hauts-de-France), qui emploie 480 personnes.

Le personnel du site de Lisieux s’est mis en grève lundi 14 et celui de Compiègne devrait faire grève aujourd’hui.

Des personnalités politiques sont attendues à l’action d’aujourd’hui, notamment François Ruffin, député du Nouveau Front Populaire (alliance de gauche), et Xavier Bertrand, président du parti Hauts-de-France Les Républicains (centre-droit). pour y assister.

Les syndicats et ces politiques se disent inquiets des conséquences de la vente.

« Appartenir à un grand groupe, c’est rassurant », estime Adrien Mekhnache, délégué CFDT à Sanofi Compiègne. France 3 Hauts de France. « Il y a une base sociale importante, des avantages sociaux importants. La plus grande crainte pour l’avenir est la perte de ces prestations, mais aussi du personnel: on sait que les fonds d’investissement ne financent pas vraiment les prestations sociales.»

Il a ajouté que les salariés considèrent la vente comme une « trahison » de la part de Sanofi, après les efforts déployés par les salariés pendant la crise du Covid. Lors de la création d’Opella en 2021, il a prévenu que Sanofi pourrait « nous vendre » et que c’était la raison pour laquelle il avait créé une « entité distincte » en premier lieu.

Humberto de Sousa, coordinateur CFDT pour le groupe Sanofi, dit FranceInfo: “Ils peuvent prendre tous les engagements qu’ils veulent auprès du gouvernement, mais si le conseil d’administration se retrouve en Irlande ou au Benelux ou sous la loi américaine, cela ne fonctionnera pas.”

Johann Nicolas, délégué CGT à Lisieux, a déclaré à l’AFP : “Notre première demande, c’est que nous restions Sanofi.”

La dirigeante de la CGT Sophie Binet a estimé que l’éventuel transfert du Doliprane sous pavillon américain est “un symbole de l’échec total de la politique industrielle d’Emmanuel Macron”. Elle a affirmé sur TF1 que Sanofi avait bénéficié « d’un milliard de crédit d’impôt recherche sur dix ans », alors même qu’il « a réduit de moitié ses effectifs en France, notamment les emplois de recherche ».

Le gouvernement va-t-il s’impliquer ?

Parce qu’il s’agit de la fabrication de médicaments en France – que le président Macron a dit vouloir augmenter – le gouvernement suit ce dossier de près.

M. Macron a réagi à la nouvelle en affirmant que le gouvernement dispose « des instruments nécessaires pour garantir que la France soit protégée » en cas de modification du financement d’Opella. En juin 2023, le président a déclaré vouloir délocaliser la fabrication de 50 médicaments essentiels en France, afin d’assurer la chaîne d’approvisionnement et d’éviter les pénuries.

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La ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, a déjà demandé trois garanties à Sanofi.

Parlant sur FranceInterelle a demandé : « Une garantie que le Doliprane est produit en France. Une garantie que les pharmacies disposeront d’un approvisionnement normal pour garantir l’accès à nos concitoyens. Et une garantie que les stocks seront suffisants pour éviter les ruptures de stock lors des périodes critiques.”

Le ministre de l’Economie, Antoine Armand, s’est déjà rendu sur le site industriel de Lisieux et a déclaré avoir “entamé des discussions” avec les parties concernées, afin de parvenir à un accord sur des “engagements”.

Il a ajouté que des sanctions pourraient être imposées s’il s’avère que les actions de Sanofi affectent négativement « l’emploi, les volumes de production, la recherche et le développement ou les sous-traitants ». Le Code monétaire et financier pourrait bloquer la vente si certains « engagements » ne sont pas pris, a précisé M. Armand.

L’Etat français pourrait également envisager la possibilité d’acquérir une participation dans Sanofi ou Opella, afin de conserver Doliprane en France, a indiqué le ministre. Il a ajouté qu’il était « en train d’étudier un accord avec le premier ministre » et qu’il envisageait la possibilité d’une participation du gouvernement au conseil d’administration de l’entreprise.

Y a-t-il un risque de nouvelles pénuries à l’avenir ?

Le débat a émergé en partie à cause des craintes persistantes de pénurie de médicaments en France. Doliprane a spécifiquement été confronté à ses propres tensions.

L’ancien ministre de la Santé François Braun a commenté la nouvelle en disant rappeler les “difficultés que nous avions eu avec la pénurie de paracétamol il y a deux hivers”, ajoutant qu'”il s’agit d’un enjeu majeur en termes de souveraineté de la France sur la production de médicaments”.

Il réclame « une garantie d’approvisionnement des pharmacies et dispensaires si la vente se réalise ».

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Cependant, un député républicain et chef du service des urgences de l’hôpital européen Georges Pompidou à Paris, Philippe Juvin, a déclaré : FranceInfo que les pénuries ne seraient pas évitées simplement grâce à une usine sur le sol français.

Il a déclaré : « Avoir une usine en France ne signifie pas que nous n’aurons pas de pénurie, et ne pas en avoir une en France ne signifie pas que nous en aurons une », a-t-il déclaré à FranceInfo. “Tout cela est une histoire (car) de toute façon, l’ingrédient actif du médicament est fabriqué à 100% en Asie.”

Les nouveaux actionnaires de l’entreprise devraient encore décider d’où proviendrait le principe actif ; que ce soit en Inde ou en Chine, même si la fabrication du médicament reste en France. Le gouvernement planche cependant sur un projet de délocalisation éventuelle de la fabrication du principe actif à Roussillon (Isère).

Pourtant, Bruno Bonnemain, président de l’Académie nationale de pharmacie, a souligné le problème potentiel d’un éloignement des « centres de décision » hors d’Europe. Il a déclaré : « Tout peut arriver. C’est le problème que nous avons, par exemple, avec la Chine et l’Inde, qui pourraient soudainement décider que l’Europe n’est plus un approvisionnement prioritaire. À long terme, on peut imaginer que la même chose se produise aux États-Unis.

“Je dirais qu’il n’y a pas de risque de pénurie de Doliprane en France dans les cinq ou six prochaines années, mais après, cela pourrait poser un problème”, estime-t-il.

Réponse de Sanofi

“Nous comprenons les inquiétudes… mais elles sont infondées”, a déclaré le président du conseil d’administration de Sanofi, Frédéric Oudéa, au journal Les Échos. « Nous n’avons cessé d’investir à Lisieux depuis dix ans et nous investissons actuellement 20 millions d’euros pour augmenter de 40 % les capacités de production et de stockage du Doliprane. »

M. Oudéa a précisé que Sanofi « conserverait 50 % du capital », ce qui serait une « garantie » qu’Opella restera « ancrée en France ». Sanofi en France conservera toujours le droit de « veto sur les décisions stratégiques majeures », a-t-il déclaré.

Dans une déclaration à l’AFP, Sanofi a également justifié la vente en affirmant que CD&R apporterait une stabilité financière à sa filiale de santé grand public. “(La vente) est due notamment au fait que (CD&R) apporte une solidité et des garanties financières suffisantes pour maintenir et développer les activités d’Opella en France et dans le monde”, précise le communiqué.

Il a ajouté que CD&R était le « meilleur partenaire » pour Opella et qu’il « lui fournirait toutes les ressources dont elle a besoin pour son développement ».

Sanofi à lui seul ne serait pas en mesure d’y parvenir, a-t-il déclaré, compte tenu notamment des « nombreux produits » que nous souhaitons lancer et de « nos investissements en cours dans l’ARN messager ». L’ARN messager est un type de technologie utilisée dans les vaccins, y compris ceux utilisés pendant la pandémie de Covid.

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