Madagascar est en proie à une campagne électorale présidentielle tendue, avec 11 des 13 candidats affirmant avoir été traités injustement par les autorités, tandis que l’ONU a accusé la police d’avoir recours à une force disproportionnée pour disperser les rassemblements de l’opposition. Le président sortant Andry Rajoelina, candidat à sa réélection le 16 novembre, a répondu à la polémique dans un entretien accordé à RFI et à sa chaîne sœur France 24.
Andry Rajoelina : Dans une démocratie, c’est le peuple qui doit choisir qui dirige le pays. L’opposition utilise tous les moyens possibles pour empêcher la tenue des élections car elle sait très bien que je serai élu. La réalité sur le terrain le montre. La date de l’élection a déjà été fixée et la liste des candidats a été publiée par la Haute Cour Constitutionnelle, mais malheureusement les autres candidats veulent confisquer le choix du peuple.
RFI et F24 : L’opposition a une vision différente de la situation. Il dénonce ce qu’il appelle un « double standard ». Ils disent qu’ils ne peuvent pas manifester pacifiquement alors que vous pouvez faire campagne. En tant que candidat, reconnaissez-vous ce double standard ?
AR : Non, il n’y a pas de double standard car les candidats peuvent s’exprimer. Ils ont le droit de tenir des réunions dans le cadre de leur campagne électorale. L’opposition tente de manœuvrer pour qu’il n’y ait pas d’élections afin d’avancer vers une transition politique. Ces pratiques politiques détruisent le pays depuis des décennies.
L’article 10 de la Constitution stipule que les libertés d’opinion, d’expression, de réunion et de circulation sont garanties à tous et ne peuvent être limitées que par le respect des libertés et des droits d’autrui. L’opposition tente d’entraver le processus électoral. C’est pourquoi je condamne fermement toute action qui divise le peuple malgache. Madagascar a besoin d’un leader, d’un homme d’État qui rassemble le peuple, qui unit toutes les régions et fédère les forces armées. Nous avons besoin de paix et de stabilité.
RFI et F24 : En 2014 vous avez obtenu la nationalité française. Le Code de la nationalité malgache précise que l’acquisition volontaire d’une autre nationalité entraînera la perte de la nationalité malgache. L’opposition dit qu’elle vous empêche de vous présenter aux élections. Quelle est votre réponse ?
AR : Le débat à ce sujet est terminé. La double nationalité est acceptée en vertu du Code de la nationalité malgache. Les descendants de binationaux peuvent bénéficier de la nationalité française. Comme je le disais, l’opposition utilise tous les moyens possibles pour empêcher les élections et essaie de trouver des arguments.
La Haute Cour constitutionnelle a rendu sa décision adoptant la liste des candidats, et aucun décret constatant la perte de la nationalité malgache – en application de l’article 42 – n’a été pris depuis son application. Ce débat est donc terminé. C’est un argument avancé par l’opposition qui ne tient pas la route.
Et à ce sujet, il y a plusieurs chefs d’État qui ont d’autres nationalités, comme Shimon Peres, l’ancien président israélien, qui était d’origine polonaise, le président Sarkozy était d’origine hongroise, le président Barack Obama était d’origine kenyane.
RFI et F24 : Une question au-delà des arguments patriotiques et juridiques est pourquoi ne l’avez-vous pas révélé avant ? Cela n’a été révélé qu’après des révélations dans les médias il y a quelques mois.
AR : Je n’ai rien caché. Mon arrière-grand-père était citoyen français en 1932 donc, comme le prévoit la loi, les descendants de binationaux peuvent bénéficier de la nationalité française.
Quand je suis parti en France, lorsque je me suis retiré de la vie politique, mes enfants étudiaient en France. Pour faciliter leur installation en France, j’ai demandé la naturalisation par filiation. Quel parent ne ferait pas de sacrifices pour l’avenir de ses enfants ? Je l’ai fait pour mes enfants.
Lorsque vous parlez de naturalisation, cela se fait par décret au Journal officiel (légal). Quand cela a été déclaré et validé par le Journal officiel, personne ne me l’a demandé.
RFI et F24 : Mais vous auriez pu dire quelque chose.
AR : Je l’ai dit à qui ? Et comment?
RFI et F24 : Publiquement…
AR : Mais personne ne me l’a demandé.
RFI et F24 : Mais c’est vous qui avez demandé la nationalité française ?
AR : J’ai demandé la nationalité française pour permettre à mes enfants de poursuivre plus facilement leurs études, mais ce bout de papier n’enlève rien au sang qui me traverse, au patriotisme qui est en moi, et surtout au devoir d’élever, d’avancer. et développer mon pays.
RFI et F24 : Un consortium de médias européens a révélé que, sous votre mandat, Madagascar a acquis le système de cyberespionnage Predator pour 14 millions d’euros. Selon l’enquête, la propriétaire du journal La Gazette de la Grande île, Lôla Rasoamaharo – qui avait révélé sa double nationalité en mars dernier – était mise sur écoute. Il est maintenant en prison. Le lanceur d’alerte Malama et l’opposant politique Rolly Mercia sont également en prison. Le logiciel Predator a-t-il été acheté pour surveiller vos détracteurs ?
AR : Tout ce que nous faisons s’inscrit dans un cadre légal. Notre objectif est d’éradiquer et de démanteler tous les réseaux de corruption, mais nous avons surtout démantelé le réseau des enlèvements à Madagascar.
Ce qui se passe aujourd’hui, même en Israël, prouve que chaque État a besoin d’un système d’information pour se protéger contre toute menace extérieure ou intérieure. Tout cela se fait légalement. Alors oui, on parle de valises diplomatiques, etc., mais il y a eu du matériel de test qui a été renvoyé en France via une société qui s’appelle IMSI-catcher.
Il s’agit d’une interception légale, dont disposent tous les États du monde. Et ce n’est pas un crime pour Madagascar d’utiliser tous les moyens à sa disposition pour protéger la nation contre toute attaque extérieure ou intérieure.
RFI et F24 : Mais écouter des ennemis potentiels n’est-il pas la même chose qu’écouter des adversaires ou des personnes qu’on n’aime pas ?
AR : Nous n’écoutons pas nos adversaires. En fait, nous étions en période d’essai et tous les équipements n’étaient pas installés. La majeure partie a été restituée en France et je pense que les journalistes en sont bien conscients.
RFI et F24 : Les indicateurs économiques et sociaux montrent que la pauvreté a atteint 81 pour cent, le niveau des inégalités a augmenté et le taux d’inflation est supérieur à 10 pour cent. Avec les coupures d’eau et d’électricité, difficile de dire que votre bilan est positif, n’est-ce pas ?
AR : Eh bien, c’est votre perception, mais la réalité est bien différente.
RFI et F24 : Ce sont les indicateurs.
AR : J’ai promis à la population que Madagascar rattraperait son retard en termes de développement. En termes de croissance, si vous voulez un chiffre, la croissance économique moyenne en Afrique en 2022 était de 3,6 pour cent, mais à Madagascar, nous avons atteint 4,4 pour cent. Donc le pays se développe, le pays avance. C’est pourquoi, même si de nombreux efforts ont été déployés, il reste encore beaucoup à faire pour éradiquer la pauvreté à Madagascar. Et évidemment, par rapport à tout ce que vous avez mentionné plus tôt, les défis sont énormes dans les domaines de l’approvisionnement en électricité et en eau, mais aussi dans la lutte contre la pauvreté.
Cet extrait est tiré de l’interview complète en français, consultable ici.