Le ministre français de la Justice jugé pour conflit d’intérêts présumé


Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a été jugé lundi pour avoir utilisé son mandat pour satisfaire des intérêts privés. Ayant refusé de se retirer lors du procès, il est le premier ministre à être jugé par la Cour spéciale de justice républicaine (CJR) pendant son mandat.

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Dupond-Moretti, devenu ministre de la Justice en juillet 2020, est le premier ministre en exercice à comparaître devant la CJR – un tribunal créé pour juger les ministres du gouvernement pour les crimes et délits commis pendant leur mandat.

L’ancien avocat pénaliste bien connu, surnommé “l’acquitteur” pour son record de 145 acquittements, est accusé d’avoir abusé de sa position de ministre de la Justice pour tenter d’obtenir des sanctions disciplinaires contre quatre magistrats qui ont enquêté sur lui, ses anciens clients ou amis.

Les accusations, que Dupond-Moretti nie, portent sur deux affaires distinctes.

L’un d’entre eux concerne le juge Edouard Levrault, qui avait mis en examen deux clients de Dupond-Moretti en 2016. Peu de temps après être devenu ministre de la Justice, le directeur de cabinet de Dupond-Moretti a ordonné une enquête administrative contre Levrault sur sa gestion des enquêtes.

Levrault est innocenté, puis un décret récuse Dupond-Moretti de s’impliquer dans des affaires dans lesquelles il avait auparavant exercé la profession d’avocat ou dans lesquelles il avait été impliqué.

Dupond-Moretti ne se serait pas suffisamment récusé.

La deuxième affaire concerne le dépôt d’une plainte quelques jours seulement après qu’il soit devenu ministre de la Justice. La poursuite alléguait qu’en 2014, le bureau du procureur chargé des crimes financiers (PNF) avait violé sa vie privée en accédant à ses enregistrements téléphoniques et à ceux d’autres avocats dans le cadre d’une enquête sur l’ancien président Nicolas Sarkozy pour corruption présumée.

Crédibilité endommagée

Lundi matin, la Première ministre Elisabeth Borne a réitéré son soutien pour Dupond-Moretti invoquant le droit à la présomption d’innocence.

Mais des membres de la magistrature insistent sur le fait qu’il aurait dû se retirer pendant le procès.

“Cette situation est inédite : un ministre de la Justice en exercice est jugé par la Cour de justice de la République pour des infractions commises dans l’exercice de ses fonctions”, ont déclaré les syndicats de magistrats dans un communiqué à la veille du procès.

“Nos organisations considèrent que cette situation porte atteinte à la crédibilité du ministre de la Justice et, par ricochet, fragilise l’ensemble de la justice”, peut-on lire.

Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a nié l’existence d’un problème.

“Pourquoi demanderions-nous à un ministre de démissionner… alors qu’il n’a été reconnu coupable de rien ou reconnu coupable de quoi que ce soit ?” a-t-il déclaré vendredi à BFMTV.

Dupond-Moretti a toujours affirmé vouloir éviter tout conflit d’intérêts. Lors de sa nomination, il a signé un document déclarant qu’il défendrait “l’intégrité et la moralité” comme tous les autres ministres.

S’exprimant à la radio publique le mois dernier, il a déclaré que son ministère ne serait pas « abandonné » pendant le procès.

“Le ministère continuera à fonctionner, c’est ma seule préoccupation”, a-t-il déclaré.

L’audience devrait se dérouler jusqu’au 17 novembre.

Dupond-Moretti sera jugé par trois magistrats et 12 parlementaires, six de chaque chambre.

Une majorité de huit voix est nécessaire pour décider de la culpabilité et de la peine.

S’il est reconnu coupable, il encourt jusqu’à cinq ans de prison et un demi-million d’euros d’amende.



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