Deux petits centièmes, c’est ce qui a manqué à Wilfried Happio (47′’41) pour monter sur le podium du 400 m haies au terme d’une finale complètement folle enlevée par le Brésilien Alison Dos Santos en 46′’29 (record des championnats). Troisième à une poignée de mètres de l’arrivée, le Français n’a pas pu contenir le retour de l’Américain Trevor Bassitt, qui lui chipe la médaille de bronze sur le fil.
Wilfried Happio est passé tout près d’un réel exploit, le 400 m haies étant l’une des épreuves les plus relevées actuellement (le Norvégien Karsten Warholm, qui avait battu le record du monde en finale des JO, retardé dans sa préparation par une blessure ne termine que 7e). Happio échoue à seulement 4 centièmes du record de France de Stéphane Diagana (47′’37), mais abaisse très largement sa meilleure marque (48′’14 en séries ; 48′’57 avant de venir à Eugene et désormais 47′’41).
Quelques minutes après sa course, Wilfried Happio avait encore les larmes aux yeux, frustré d’être passé, à 23 ans, tout près d’un podium mondial. « C’est toujours décevant d’être au pied du podium, souffle-t-il. Le chrono est plus que satisfaisant, je sais que je passe un cap sur cette course, mais j’ai encore du mal à relativiser. » Absent de la finale olympique l’an passé à Tokyo, le Français a réalisé une course quasi parfaite sur la piste d’Hayward Field.
« Je savais que j’allais devoir partir fort pour ne pas trop me faire déborder par Dos Santos, qui était juste devant moi (au couloir 5). Je me sens bien sur le début de course, je me sens rapide, j’essaie de mouliner avant mes haies, comme me l’a conseillé Stéphane Diagana (champion du monde du 400 m haies en 1997). Les dernières haies, on sait qu’elles sont plus compliquées que les autres, il m’en a manqué un petit peu. Je ne sais pas comment l’Américain a géré sa course, s’il avait gardé du jus, il grappille les deux centièmes pour être sur le podium, c’est la dernière fois qu’il me fait ça ! »
« Dans quelques jours je serai content »
Wilfried Happio sourit enfin. « Je me suis tellement répété arrête de dire qu’il y a Warholm, car si tu dis que c’est le plus fort, jamais tu ne termineras premier, je me suis tellement fait ces images dans ma tête où je passe Warholm, puis Benjamin, puis Dos Santos (NDLR : trois coureurs aux chronos stratosphériques), que pendant la course, j’ai eu une impression de déjà-vu. » Le Français s’arrête et reprend. « Je mens de ouf, rit-il. Quand je suis passé je me suis oh mais il y a Warholm ! Je ne comprenais pas trop ce qui se passait. Je me suis dit que j’allais le battre. » Wilfried Happio poursuit.
« Pour le moment, j’ai cette 4e place dans ma tête, mais dans quelques jours je serai content, je me rapproche du chrono de Stéphane (Diagana), qui est un exemple pour moi, un mentor. Si on m’avait dit, il y a quelques jours que je terminerai 4e, je ne l’aurais pas cru. » Le Français, agressé physiquement il y a quelques semaines et sous le coup d’une plainte pour agression sexuelle, est parvenu à Eugene, à faire parler de lui grâce à ses performances. En août à Munich, il participera aux Championnats d’Europe, cette fois dans la peau d’un favori pour une médaille.