Pourquoi le ministre français de la Justice est lui-même jugé


Le procès du ministre français de la Justice commence aujourd’hui (6 novembre). Il est accusé d’avoir usé de son influence pour ordonner des sanctions et des enquêtes sans fondement contre des magistrats qui enquêtaient sur ses anciens clients et amis.

Eric Dupond-Moretti, officiellement titré le garde des Sceaux (Garde des Sceaux/Loi), est jugé par la Cour de Justice de la République (CJR) ; un tribunal spécial qui juge les membres du gouvernement pour leurs actions au cours de leur mandat.

Cependant, c’est la première fois qu’un ministre en exercice est jugé.

M. Dupond-Moretti était avocat pénaliste avant d’être nommé ministre de la Justice en 2020. Il est désormais accusé d’avoir usé de son influence en tant que ministre pour contribuer à imposer des sanctions sans fondement à l’encontre de quatre avocats qui enquêtaient sur ses amis et clients.

Ceci est considéré comme une infraction illégale de « conflit d’intérêts ».

Juge monégasque

Une affaire très médiatisée est celle du juge Levrault à Monaco. Il a enquêté sur le milliardaire russe Dmitry Rybolovlev (président du club de football de l’AS Monaco) ; Christophe Haget, chef de la police judiciaire de Monaco ; et Philippe Narmino, qui était l’équivalent du ministre de la Justice de Monaco.

Le poste de juge n’a pas été renouvelé en 2019, après que le successeur de M. Narmino ait affirmé qu’il « éveille des soupçons sur toutes sortes de personnes ».

Cependant, le juge Levrault a affirmé par la suite qu’il avait été démis de ses fonctions parce qu’il avait enquêté sur MM. Rybolovlev et Haget, représentés par Me Dupond-Moretti.

M. Dupond-Moretti a contesté les affirmations du juge et l’a ensuite traité de « cowboy » dans la presse. Le ministre a alors déposé une plainte auprès du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), demandant que M. Levrault soit disciplinaire.

Plus tard, M. Dupond-Moretti a été nommé ministre de la Justice dans le cabinet du président Macron, ce qui l’a placé dans une position de « conflit d’intérêts » dans de nombreuses affaires très médiatisées. Cela s’est intensifié après qu’il ait demandé à son directeur de cabinet d’ouvrir une enquête sur le juge Levrault. Cette décision a ensuite été largement critiquée. Cela a également incité le Premier ministre de l’époque, Jean Castex, à publier deux décrets qui excluaient M. Dupond-Moretti de toute action ultérieure dans les affaires dans lesquelles il avait été impliqué avant sa nomination.

Pourtant, M. Dupond-Moretti est accusé de continuer à être impliqué dans l’affaire, notamment d’avoir rencontré d’anciens associés et de hauts responsables, bien qu’il ait reçu l’ordre de cesser toute implication.

Juges des écoutes téléphoniques

M. Dupond-Moretti répond également d’accusations de même nature impliquant trois juges du Parquet national financier (PNF), tribunal de Paris spécialisé dans la délinquance économique et financière.

L’affaire porte sur un financement présumé de la campagne électorale du président Sarkozy par la Libye et sur des écoutes téléphoniques présumées par quatre juges d’instruction de 20 lignes téléphoniques de “personnes d’intérêt” dans l’affaire – dont M. Dupond-Moretti. Lorsque ce dernier a découvert que son téléphone était sur écoute, il a accusé les juges de « violation de la vie privée » et de « clique ».

M. Dupond-Moretti est devenu ministre de la Justice six jours après avoir ordonné une enquête sur ces écoutes, le mettant en charge du dossier. Il a ensuite retiré ses accusations en raison de préoccupations de conflit d’intérêts de la part des magistrats.

Mais si les écoutes téléphoniques ont ensuite été jugées « parfaitement légales » par le PNF dans le cadre de ladite enquête, trois jours plus tard, M. Dupond-Moretti a ordonné à son directeur de cabinet d’ouvrir des investigations complémentaires sur deux des juges impliqués, ainsi que Eliane Houlette, alors chef du PNF ; et trois magistrats.

Cela était très irrégulier et constituait une violation du secret de l’affaire.

Il a été constaté par la suite que les magistrats accusés avaient agi dans le respect de la loi et ne devraient faire l’objet d’aucune sanction, bien que M. Dupond-Moretti (puis M. Castex, alors Premier ministre) les ait renvoyés pour sanctions. Il s’est avéré par la suite que M. Dupond-Moretti et M. Castex avaient commis une faute en renvoyant les magistrats.

Risque jusqu’à cinq ans et un demi-million d’euros d’amende

Dans les deux cas, le ministre a été accusé de conflits d’intérêts illégaux. L’accusation a été déposée le 16 juillet 2021 et a été renvoyée devant le tribunal le 3 octobre 2022.

Plus d’un an plus tard, le tribunal est désormais ouvert et l’affaire devrait durer jusqu’au 17 novembre. S’il est reconnu coupable, le ministre risque cinq ans de prison et une amende pouvant aller jusqu’à 500 000 €. Il lui serait également interdit de se présenter aux élections.

Ce n’est pas la première fois que M. Dupond-Moretti est en difficulté ; en mars de cette année, il a été largement condamné pour avoir lancé une offensive.soutiens-gorge d’honneur» geste (fait en levant le poing et en mettant l’autre bras dans le pli du coude) en direction du président des Républicains Olivier Marleix.

A l’époque, la présidente des députés de La France Insoumise (LFI), Mathilde Panot, avait déclaré : « Pour faire le soutiens-gorge d’honneur à un président de parti est en dessous de votre position.

M. Dupond-Moretti s’est ensuite excusé, mais a déclaré qu’il faisait ce geste en direction de ce qui était dit et non en direction de l’orateur lui-même.

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