Un plan gouvernemental visant à remédier aux pénuries de médicaments en France a été retardé, alors même que les tensions et les pénuries de stocks s'aggravent.
Les pénuries de ces dernières années ont touché les fabricants de produits pharmaceutiques, les grossistes et distributeurs, les professionnels de la santé et les patients.
Lire notre article précédent : Problèmes d'approvisionnement en médicaments en France : des milliers de médicaments concernés
En avril 2023, l'ancien ministre de la Santé François Braun a annoncé « un grand projet que nous mettons en place pour lutter contre la pénurie de médicaments ». Cela comprenait les intentions de :
- Créer une nouvelle liste précise des médicaments dont beaucoup en France ne peuvent se passer
- Identifier tous les points de production en France, et le principe actif produit
- Veiller à ce que les médicaments essentiels soient toujours disponibles
- Rapatrier la production de principes actifs en France et dans l’Union Européenne
Changements de ministre de la Santé
Le retard dans la mise en œuvre de ce projet proposé s'explique en partie par le changement de ministre de la Santé.
M. Braun devait faire une présentation à cet effet à l'industrie le 20 juillet, mais le remaniement ministériel l'a amené à quitter ses fonctions le même jour.
Six mois plus tard, le nouveau ministre Aurélien Rousseau devait faire une présentation sur le sujet le 19 décembre, mais celle-ci a de nouveau été annulée. Aucune mise à jour n'a été publiée depuis.
« Absence de feuille de route »
L'absence de feuille de route pour prévenir ces pénuries fait qu'il est « difficile d'avancer sur un certain nombre d'aspects de cette question », a déclaré Thomas Borel, directeur scientifique du LEEM, le syndicat de l'industrie pharmaceutique.
Le LEEM a proposé la création d'une plateforme qui fournirait à chaque maillon de la chaîne du médicament (laboratoires, grossistes, pharmaciens, médecins) une information en temps réel sur les stocks disponibles.
Quelques mesures en place
Le gouvernement a cependant déjà mis en œuvre certaines des mesures proposées.
Il s’agit notamment de fournir une liste de 450 médicaments considérés comme essentiels et d’en identifier 147 qui constituent désormais une « priorité pour la relocalisation » de leur fabrication afin d’éviter des pénuries dans la chaîne d’approvisionnement.
Ramener la production de médicaments prioritaires sur le sol français était un engagement électoral clé du président Emmanuel Macron qui a annoncé sa volonté d'avoir une « souveraineté médicale » d'ici 2030.
Les pharmaciens sont également désormais autorisé à délivrer un nombre précis de comprimés ou de traitements, et diviser une boîte, plutôt que de donner aux patients la boîte entière (ou équivalent).
L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a également pour objectif de mettre en place un “plan hiver”, pour éviter des pénuries saisonnières de même ampleur que celles observées lors de l'hiver 2022-23. .
À l’époque, les médicaments populaires, notamment le paracétamol, un analgésique, et l’antibiotique amoxicilline, étaient très rares en raison du manque d’approvisionnement des laboratoires.
Lire la suite : Pénuries de 4 000 médicaments en France ; quel risque pour cet hiver ?
Lire la suite : Alerte déclenchée sur la pénurie d'antibiotiques dans les pharmacies en France
Les pénuries persistent
Le paracétamol ne manque plus, mais les stocks d'amoxicilline pédiatrique sont encore limités, dit la directrice générale Christelle Ratignier-Carbonneil de l'ANSM.
“Les tensions sont liées à la perturbation du système de distribution”, a-t-elle expliqué. “Les fabricants disposent des quantités dont ils ont besoin, mais en raison de la pénurie de l'année dernière, certaines de leurs actions ont conduit à cette situation chaotique où les produits ne sont (encore) pas disponibles pour les patients.”
« De retour sur la bonne voie » ?
Pourtant, l'ANSM précise qu'une nouvelle « charte d'engagement » a été signée par les laboratoires, les grossistes et les pharmaciens pour aider à « remettre la situation sur les rails ».
«La situation s'améliore», a déclaré Mme Ratignier-Carbonneil. « Il a été demandé très fermement aux fabricants de libérer leurs stocks. Les dispensaires ont désormais une visibilité de quelques jours et les grossistes ont été réapprovisionnés en amoxicilline.
« Nous sommes sur la bonne voie, mais nous devons être très prudents et poursuivre nos efforts », a-t-elle déclaré.
L'ANSM s'est également vu accorder des pouvoirs de surveillance plus étendus, notamment lorsqu'il s'agit de sanctionner financièrement les industriels qui ne respecteraient pas leurs obligations, a indiqué Catherine Simonin, responsable de France Assos Santé, le syndicat des droits des patients et des usagers du système de santé.
Elle a dit que c'était une « bonne nouvelle ».
L'association continue également de faire pression sur le gouvernement pour qu'il mette son plan en œuvre et qu'il « prenne des mesures fortes » pour atténuer les pénuries, a-t-elle ajouté.
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