Geert Wilders fait face à une lutte difficile pour inciter ses partenaires à former un gouvernement de coalition avec son parti d’extrême droite après leur « victoire monstrueuse » aux élections néerlandaises qui ont ébranlé à la fois les Pays-Bas et l’Europe.
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Le PVV (Parti de la liberté) de Wilders a remporté 37 sièges sur les 150 que compte le Parlement, soit plus du double du résultat des élections de 2017 et devançant de loin ses opposants.
Le paysage politique néerlandais fragmenté a été dominé par les partis traditionnels – le conservateur VVD, le Parti travailliste (PvdA), le centriste chrétien CDA et le centre-gauche D66 – pendant des décennies.
Mais en 2002, cette composition a été ébranlée par une percée massive du populiste d’extrême droite anti-immigration Pim Fortuyn.
Après l’assassinat de Fortuyn par un militant des droits des animaux, les électeurs anti-immigrés ont trouvé un nouveau gourou en la personne du PVV. Le parti de Wilders a réussi à jouer un rôle en 2010 en tant que parti sans droit de vote dans le gouvernement dirigé par le CDA de Jan-Peter Balkenende, qui s’est effondré en 2012.
Depuis lors, la popularité de Wilders n’a cessé de croître, mais il est resté confiné dans l’opposition, boudé par les grands partis qui ont catégoriquement refusé de coopérer avec lui.
À l’heure actuelle, ils n’ont peut-être plus ce choix.
RFI s’est entretenu avec Bernard Steunenberg, professeur d’administration publique à l’Université de Leyde, sur le résultat des élections et son impact probable sur la politique européenne.
Cela peut prendre un certain temps.
REMARQUES de Bernard Steunenberg, professeur d’administration publique à l’Université de Leiden, sur les élections néerlandaises de 2023
RFI : Comment expliquez-vous cette victoire massive de Wilders ?
Bernard Steunenberg : La campagne a surtout mis l’accent sur les problèmes mais pas sur les solutions. Les solutions à la crise du logement ou aux problèmes environnementaux n’ont pas vraiment été discutées.
Cette campagne est devenue une question d’identité politique. Geert Wilders connaît un grand succès à cet égard. C’était la force motrice de son parti au cours des 15 dernières années. Il est tout à fait capable de jouer cette carte auprès de l’électorat. Dans le même temps, il ne précise pas quel type de solutions seront adoptées dans un avenir proche sur certaines des questions importantes sur la table.
RFI : Wilders ne dispose pas de loin d’une majorité complète. Il a besoin de partenaires de coalition. Que va-t-il se passer maintenant ?
Bernard Steunenberg : Les gouvernements doivent généralement être formés au sein d’une coalition dans la politique néerlandaise, et Wilders sera très probablement la personne qui devra commencer à négocier avec les autres partis.
Certains sont un peu réticents, comme le VVD, le Parti libéral, anciennement dirigé par (Premier ministre néerlandais) Mark Rutte. D’autres partis auparavant réticents vont désormais entamer des négociations avec Wilders, notamment le nouveau parti de Pieter Omtzigt (une start-up créée par un ancien membre mécontent du parti chrétien CDA).
Ce qui en ressort n’est pas clair. Cela pourrait prendre un certain temps… car les partis pourraient avoir du mal à édulcorer certaines de leurs promesses, y compris bien sûr le parti de Wilders.
RFI : Si Wilders ne parvient pas à former un gouvernement, Frans Timmermans, qui dirige la Coalition travailliste verte, pourrait tenter sa chance. Dans ce cas, Wilders pourrait être complètement laissé de côté. Serait-il mauvais d’exclure le PVV d’une coalition ?
Bernard Steunenberg : Ces négociations de coalition n’aident pas le pays. D’ici un an, nous aimerions avoir un nouveau gouvernement. Sinon, certains problèmes pourraient devenir insurmontables. D’un point de vue démocratique, Wilders devrait commencer, mais s’il échoue et que Timmermans prend le relais, il est alors possible qu’ils forment une coalition sans lui.
RFI : Si c’était la France, ce ne serait que le premier tour et il y aurait un deuxième tour. Et le Parti de la liberté Wilders (PVV) affronterait les Verts-travaillistes de (ancien vice-président de la CE) Frans Timmermans. Dans ce cas, quelle serait l’issue probable ?
Bernard Steunenberg : Par rapport aux dernières élections d’il y a quelques années, le nombre d’électeurs de droite, du centre et de gauche n’a pas beaucoup changé. Lors des élections de 2021, les partis de droite disposaient d’environ 62 sièges au Parlement, contre 65 aujourd’hui. La partie de gauche, y compris l’alliance Verts-Travail, avait environ 35 voix. Et ils disposent désormais de 35 voix. Et au centre, il y a une quarantaine de votes recueillis par plusieurs partis. Donc, si nous suivons ce scénario, la plupart d’entre eux pourraient envisager de partir à gauche, et dans ce cas, le vote serait très serré.
RFI : Que signifie une victoire de Wilders pour les immigrés aux Pays-Bas ?
Bernard Steunenberg : Wilders a déclaré dans son discours juste après les premiers résultats qu’il s’en tiendrait à la Constitution ainsi qu’au droit en vigueur. Mais les éléments les plus importants seront le résultat de négociations avec d’autres. Il souhaitera très probablement limiter le nombre de personnes arrivant aux Pays-Bas en tant que réfugiés et demandeurs d’asile.
RFI : Le président français Emmanuel Macron est également sous le feu des critiques de l’extrême droite et les sondages d’opinion montrent une popularité croissante pour Marine Le Pen, d’extrême droite. Quel effet sa victoire aura-t-elle sur les électeurs français également en ce qui concerne les prochaines élections européennes ?
Bernard Steunenberg : Cela signifie que le côté droit de l’échiquier politique européen évolue également un peu dans cette direction, et les membres du Parlement européen pourraient exprimer davantage leur mécontentement à l’égard de certaines des mesures prises par d’autres. Cela signifie que certaines élections seront beaucoup plus difficiles et que les participants doivent être très clairs sur leur programme et sur la manière d’entrer en contact avec les électeurs de leur circonscription.
Cela pourrait également signifier que les prochaines élections françaises seront très serrées.
– Cette interview a été légèrement modifiée pour plus de clarté.