Une approche multimodale pour mieux prédire la guérison chez les patients présentant des troubles de la conscience


Vision artistique de la recherche de signes de conscience. Crédit : Nicolas Decat / Paris Brain Institute.

Lorsqu’un patient est admis en soins intensifs en raison d’un trouble de la conscience, tel qu’un coma, l’établissement de son pronostic neurologique est une tâche cruciale mais difficile.

Pour réduire l'incertitude qui précède la décision médicale, un groupe de cliniciens et de chercheurs de l'Institut du cerveau de Paris et de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris ont évalué l'efficacité d'une approche multimodale combinant différents indicateurs cliniques, électrophysiologiques, comportementaux et de neuroimagerie.

Les conclusions de l'équipe, publiées dans Médecine naturellemontrent que cette approche conduit à un meilleur pronostic.

Après un traumatisme crânien grave ou un arrêt cardiaque, certains patients admis en soins intensifs ne réagissent que peu ou pas à leur environnement et sont parfois incapables de communiquer. Cette condition est appelée trouble de la conscience (DoC), qui comprend les comas, les états végétatifs et les états de « conscience minimale ».

Ce trouble persiste parfois plusieurs jours ou semaines. Dans de tels cas, les équipes soignantes et les proches doivent obtenir les informations les plus précises sur les capacités de récupération cognitive du patient. Habituellement, un pronostic neurologique est établi à l’aide de plusieurs indicateurs, notamment des mesures standard de l’anatomie cérébrale (tomodensitométrie et IRM) et de la fonction (électroencéphalogramme).

“Malgré l'existence de ces données, une certaine incertitude sur le pronostic demeure, ce qui peut impacter significativement la décision médicale. Ces patients sont souvent dans un état fragile et sujets à de nombreuses complications, ce qui soulève des questions sur l'opportunité de la prise en charge médicale. soins qu'ils reçoivent”, explique Benjamin Rohaut (AP-HP, Sorbonne Université), neurologue, chercheur et auteur principal de l'étude.

“Par ailleurs, les médecins observent parfois un décalage entre le comportement du patient et son activité cérébrale : certains patients en état végétatif semblent comprendre ce qu'on leur dit mais sont incapables d'en informer leurs soignants.”

Pour améliorer la description de l'état de conscience de ces patients, l'équipe « PICNIC », co-dirigée par Lionel Naccache à l'Institut du Cerveau de Paris, travaille depuis une quinzaine d'années à définir de nouvelles mesures cérébrales et signes à l'examen clinique. Leur approche a progressivement évolué vers une « multimodalité », combinant TEP, analyse EEG multivariée, IRM fonctionnelle, potentiels évoqués cognitifs (réponses électriques à une stimulation sensorielle) et d'autres outils.

Les marqueurs de conscience sous surveillance

Pour évaluer l'intérêt clinique de cette approche, l'équipe a travaillé avec « l'unité de soins intensifs à orientation neurologique » de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Dirigés par Benjamin Rohaut et Charlotte Calligaris, les cliniciens et chercheurs ont suivi et évalué 349 patients en réanimation entre 2009 et 2021. À l'issue de chaque évaluation multimodale, ils ont formulé un avis pronostique « bon », « incertain » ou « défavorable ». .

Leurs résultats indiquent que les patients de « bon pronostic » (22 % des cas) ont montré une évolution beaucoup plus favorable de leurs capacités cognitives que les patients de pronostic jugé « incertain » (45,5 % des cas) ou « défavorable » (32,5 % des cas). cas); aucun des patients jugés « défavorables » n’a repris conscience au bout d’un an. Surtout, cette performance pronostique était corrélée au nombre de modalités : plus le nombre d'indicateurs utilisés était grand, plus le pronostic était précis et plus la confiance de l'équipe dans ses évaluations était grande.

“Cette étude à long terme montre pour la première fois l'intérêt de l'approche multimodale, qui est une information essentielle pour les unités de soins intensifs du monde entier. Elle permet également de valider empiriquement les récentes recommandations des académies de neurologie européenne et américaine”, explique Jacobo Sitt, qui a co-dirigé cette étude.

Vers une approche neuropronostique standardisée

Toutefois, l’approche multimodale n’est pas une baguette magique. Il fournit la meilleure information possible aux soignants et aux familles dans des situations d’incertitude – une avancée éthique dans les soins aux patients – mais ne garantit pas une prise de décision impartiale.

Se pose enfin la question de l’accès aux outils d’évaluation, coûteux et nécessitant une expertise spécifique. “Nous sommes conscients que l'évaluation multimodale n'est pas accessible à tous les services de réanimation qui reçoivent ces patients”, poursuit Naccache.

“Nous proposons de construire un réseau de collaborations aux niveaux national et européen. Grâce aux outils de télémédecine et aux analyses automatisées d'EEG ou d'imagerie cérébrale, tous les services de réanimation pourraient disposer d'un premier niveau d'accès à l'évaluation multimodale. Si cela s'avère insuffisant, le recours à un centre d’experts régional fournirait une évaluation plus approfondie.

“Enfin, dans les situations les plus complexes, il serait possible de faire appel à tous les experts disponibles, où qu'ils se trouvent. Notre objectif est de faire en sorte que tous les patients présentant un trouble de la conscience puissent bénéficier des meilleurs standards de pronostic neurologique.”

Plus d'information:
Rohaut, B. et al. L'évaluation multimodale améliore les performances du neuropronostic chez les patients en soins intensifs cliniquement insensibles souffrant d'un traumatisme crânien. Médecine naturelle. (mai 2024). DOI : 10.1038/s41591-024-03019-1. www.nature.com/articles/s41591-024-03019-1

Fourni par l'Institut du Cerveau de Paris

Citation: Une approche multimodale pour mieux prédire la guérison chez les patients présentant des troubles de la conscience (30 mai 2024) récupéré le 30 mai 2024 sur

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