Une chaîne de télévision française fait l'objet d'un examen minutieux suite à des allégations de trafic d'opinions et non d'informations


Le plus haut tribunal administratif de France a ordonné au régulateur des médias du pays d'examiner l'équilibre éditorial et l'indépendance de CNews – surnommé par les critiques le French Fox News.

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Saluée comme une victoire par l'organisation à but non lucratif Reporters sans frontières, qui a porté plainte, les critiques affirment qu'il s'agit d'une atteinte à la liberté d'expression.

Dans un communiqué publié mardi, le Conseil d'État a donné six mois au régulateur des médias Arcom pour examiner si CNews respecte ses obligations d'assurer un journalisme “équilibré et indépendant”.

La décision de mardi élargit ce qui est actuellement considéré comme un contenu éditorial à des fins réglementaires, qui inclura désormais des contributions d'experts ainsi que de politiciens.

C'est une victoire pour l'ONG de liberté de la presse Reporters sans frontières (RSF), qui accuse CNews de devenir un “média d'opinion”.

En avril 2022, RSF a saisi le Conseil, affirmant qu'Arcom avait refusé à plusieurs reprises de rappeler à CNews son devoir de garantir “l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information”.

L'année dernière, le président de l'Arcom, Roch-Olivier Maistre, avait déclaré que CNews “respectait globalement strictement le pluralisme politique”, mais qu'elle “devenait une chaîne d'opinion” à l'image de la conservatrice Fox News aux Etats-Unis.

Le pluralisme à tous les niveaux

CNews appartient au groupe Canal+ détenu par l'industriel milliardaire Vincent Bolloré.

Elle est récemment devenue la chaîne d'information la plus populaire de France avec son mélange de débats passionnés et de commentaires politiques sur des sujets tels que l'immigration, la sécurité, la religion et la criminalité.

En vertu de la réglementation française sur les médias, définie dans une loi de 1986, toutes les chaînes, qu'elles soient publiques ou privées, doivent accorder un temps d'antenne égal aux personnes des différents partis politiques pendant les périodes électorales.

Mais le tribunal est allé plus loin, estimant que le régulateur devait prendre en compte “tous ceux qui participent aux émissions, y compris les commentateurs, les présentateurs et les invités, et pas seulement le temps alloué aux hommes politiques”.

Il a également déclaré que le régulateur devrait évaluer l'indépendance de l'information “en termes de conditions d'exploitation et de caractéristiques de programmation de la chaîne”.

Tous les médias français devront se conformer à ces règles plus larges.

Liberté d'expression

Christophe Deloire, secrétaire général de RSF, a salué une “décision historique… pour la démocratie et le journalisme”.

Il écrit le X: “Notre objectif en luttant pour le pluralisme et l'indépendance de l'information est simplement de défendre la démocratie. Il ne s'agit pas de telle ou telle ligne éditoriale, mais de la capacité des citoyens à accéder à une diversité d'opinions et de faits. C'est une urgence “.

Cependant, plusieurs commentateurs de CNews affirment qu'au contraire, la décision du tribunal menace la liberté d'expression.

S'exprimant mercredi matin sur CNews, le journaliste Franz-Olivier Giesbert a qualifié la décision de la Cour de “très grave, incroyable”, estimant que la France “se dirige, petit à petit, vers un gouvernement de juges”.

Eugenié Bastié, contributeur régulier de CNews, s'est demandé comment seraient appliqués les contrôles plus stricts.

“Les commentateurs devront-ils déclarer pour qui ils votent ?” elle écrit le X.

Eric Ciotti, chef du parti conservateur Les Républicains, a quant à lui parlé d'une “inquisition” des opinions des commentateurs et des journalistes.

Porte-parole de l'extrême droite

La liberté d'expression n'est “absolument pas menacée”, a répondu mercredi le socialiste Olivier Faure.

“Respecter le pluralisme d'opinion ne veut pas dire interdire quoi que ce soit… c'est l'absence de pluralisme qui porte atteinte aux libertés”, a déclaré le chef du parti, qualifiant CNews de média “d'extrême droite” qui “soutient Marine Le Pen”.

“Le moins que CNews puisse faire est d'être clair sur ce point… pour permettre aux téléspectateurs de comprendre que ce n'est pas un média grand public.”

En 2021, l'Arcom a infligé une amende de 200 000 € à CNews pour avoir diffusé des propos de l'expert d'extrême droite Eric Zemmour, qu'elle considérait comme un discours de haine.

Zemmour, qui a fondé le parti d’extrême droite anti-immigration Reconquête pour se présenter comme candidat à l’élection présidentielle de 2022, a été reconnu coupable de discours de haine raciale et religieuse. Il continue d'être un contributeur régulier à la chaîne.

L'homme politique souverainiste Philippe de Villiers, membre de Reconquête, anime également une émission sur la chaîne. Selon le site Les Jours, CNews a omis de mentionner le temps d'antenne de de Villiers dans sa déclaration à l'Arcom.

Le présentateur vedette de CNews, Pascal Praud, a rejeté les critiques à l'encontre de la chaîne.

“Le succès de CNews irrite et bouleverse les bien-pensants, dont la voix domine les médias français depuis des années”, mais “CNews ne cédera pas aux intimidations”, a-t-il insisté.



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