Une nouvelle législation ouvre la porte aux musées français pour restituer les restes humains ancestraux


La législation qui devrait être adoptée la semaine prochaine vise à rationaliser le processus permettant aux musées français de restituer à leurs communautés les restes humains conservés dans les collections publiques.

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Parmi les 30 000 spécimens biologiques conservés Musée de l'Hommemusée d'anthropologie à Paris, plus d'un tiers sont des crânes et des squelettes.

Parmi eux figurent les restes de Kali'na – un peuple indigène de Guyane française – amenés en France en 1892 et exposés dans une zoo humain au Jardin d'Acclimatation de Paris.

Corinne Toka-Devilliers a localisé leurs squelettes lors de recherches sur son arrière-grand-mère, l'une des 33 Kali'na amenées à Paris – dont plusieurs sont mortes ici.

« Nous avons découvert une liste de dossiers concernant les huit décès avec la manière dont ils sont décédés. On sait désormais qu'ils ont été enterrés au cimetière de Levallois-Perret et ont été exhumés cinq ans plus tard pour être amenés au Musée de l'Homme”, Toka-Devilliers a déclaré à RFI.

Une découverte qui « a permis de retracer toute leur histoire ».

La législation en cours en France prévoit des voies pour demander la restitution des restes, soutenant les descendants et les membres de la communauté comme Toka-Devilliers.

Plus d'informations sur ce sujet sur le Podcast Pleins feux sur la France:

Pleins feux sur la France, épisode 104 © RFI

Acte de réconciliation

La France, qui est revenue art pillé et objets pris à l'époque colonialeretard derrière les autres nations dans la restitution des restes humains.

Les lois actuelles protègent la propriété française des objets des collections publiques, qui ne peut être brisée qu'en adoptant une législation spéciale au cas par cas.

En 2012, les législateurs ont voté pour restituer plus de 20 têtes maories momifiées en Nouvelle-Zélande. Une décennie plus tôt, la France avait restitué à l'Afrique du Sud le corps de Saartje Baartman, exposé en Europe au début du XIXe siècle.

La nouvelle législation vise à faciliter le processus de restitution.

“Ce projet de loi répond à une attente réelle exprimée par plusieurs Etats étrangers qui demandent, pour certains depuis de nombreuses années, le retour des restes humains”, a déclaré le député Christophe Marion lors de la présentation du projet de loi à la chambre basse du Parlement français en novembre.

« Il s’agit d’un acte de réconciliation, d’un acte mémoriel, qui reconnaît aussi une histoire scientifique ou coloniale marquée par des formes de violence, à la fois symboliques et réelles. »

Une version du projet de loi devrait être adoptée la semaine prochaine.

Conditions de restitution

La nouvelle législation précise que les restes humains ne peuvent être restitués que s'ils ont été identifiés.

Seul un quart environ des vestiges du Musée de l'Homme sont actuellement identifiés.

« Nous avons très peu d’informations sur ces acquisitions. Nous ne savons pas si certains ossements ont pu être volés”, a expliqué Wanda Zinger, directrice des collections biologiques anthropologiques au Musée de l'Homme.

“Nous en avons probablement dans les collections.”

Des squelettes dans les voûtes du Musée de l'Homme à Paris, le 27 août 2015. © AFP / PATRICK KOVARIK

Le législation s’appliquera aux restes de personnes décédées après 1500 et acquises dans des conditions qui « portent atteinte au principe de la dignité humaine ».

Il exclut donc le retour des momies égyptiennes, mais inclut les restes acquis à l’époque coloniale.

Les restes doivent également être liés à un groupe vivant de personnes et ne peuvent être utilisés que pour des enterrements et des funérailles.

“Cela semble un peu problématique d'exiger des conditions pour les restitutions”, a déclaré l'historienne Klara Boyer-Rossol, qui a passé des années à tenter d'accéder aux restes humains dans les institutions publiques françaises à des fins de recherche.

Mais elle affirme que le libellé empêche la vente ou l'exposition des restes ailleurs, l'expression « fins funéraires » servant à « laisser ouvertes les possibilités pour les communautés et les pays d'origine d'utiliser les restes de leurs ancêtres comme ils le souhaitent et, surtout, d'être capable d’accomplir les rites ancestraux appropriés ».

Retour sur les territoires français

Il est prévu d'appliquer la nouvelle loi à trois demandes en attente émanant d'Australie, d'Argentine et de Madagascar.

Cependant, les habitants des territoires français qui espèrent retrouver leurs ancêtres pourraient devoir attendre plus longtemps.

«Tout ce qui touche à l'étranger sera réglé par cette loi», affirme la sénatrice Catherine Morin de Sailly, qui œuvre depuis plus de deux décennies à mettre en lumière la question du retour des restes humains.

“En ce qui concerne les territoires d'outre-mer, la loi imposera au gouvernement d'apporter une solution dans un délai d'un an.”

Tocca-Devilliers espère que les six restes squelettiques ayant des liens ancestraux avec sa communauté seront restitués en Guyane française.

« Nous entretenons une relation très étroite et symbiotique avec le deuil », a-t-elle déclaré, décrivant la célébration qui les accueillerait chez eux. « Il y aura une cérémonie chamanique pour apaiser les âmes… Il y aura des chants. Ce sera vraiment une fête.


Reportage supplémentaire de Tiziana Marone. Pour en savoir plus sur ce sujet, écoutez le Podcast Pleins feux sur la France, épisode 104.

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