En 1972, au plus fort de la guerre froide, la République fédérale d’Allemagne a accueilli les 20es Jeux Olympiques à Munich. Alors que le gouvernement ouest-allemand voulait utiliser les « Jeux de la paix et de la joie » pour oublier le souvenir des Jeux olympiques organisés par Adolf Hitler à Berlin en 1936, la terreur avait refait surface sur le sol allemand.
Le 5 septembre 1972, un commando de huit Palestiniens appartenant au groupe Septembre Noir s’infiltre dans le village olympique, tuant deux athlètes israéliens et prenant neuf autres en otages.
C’était censé être les Jeux olympiques de la joie, selon leur devise, mais cela s’est avéré être les Jeux olympiques de l’horreur.
« Septembre noir »
Surnommé « Septembre noir » en mémoire de la répression sanglante des combattants palestiniens en Jordanie en septembre 1970, le groupe a pris en otage des athlètes israéliens.
Les autorités allemandes, soucieuses d’oublier le passé nazi du pays, avaient mis en place un léger dispositif de sécurité. Les policiers stationnés aux abords du village olympique au moment de la prise d’otages n’étaient pas armés.
L’organisation des Jeux Olympiques en République fédérale d’Allemagne fut un succès symbolique pour l’Allemagne de l’Ouest, qui voulait effacer le souvenir des Jeux nazis de Berlin en 1936.
Selon Thierry Terret, historien du sport spécialiste des Jeux olympiques, l’Allemagne de l’Ouest cherchait également à affirmer sa supériorité sur son voisin et rival politique, la République démocratique allemande (RDA) qui avait terminé devant elle aux derniers Jeux olympiques.
31 Connollystrasse
“En fin de compte, l’image de la République fédérale d’Allemagne était catastrophique : non seulement elle était à la traîne de la RDA dans le classement des nations sportives, mais elle montrait également son incapacité à répondre à l’une des pires crises de l’histoire. des Jeux Olympiques, lorsque Septembre Noir a pris les Israéliens en otages dans le village olympique lui-même”, a ajouté Terret.
C’était le onzième jour des Jeux, le 5 septembre, lorsqu’aux petites heures du matin, un groupe commando de huit Palestiniens a fait irruption dans le village olympique. Habillés en athlètes, les terroristes ont eu accès au pavillon de la délégation masculine israélienne, au 31 Connollystrasse.
Ils y sont entrés sans trop de difficultés, ne rencontrant aucun obstacle car le pays organisateur avait choisi de ne pas mettre en place de lourdes mesures de sécurité pour se distinguer des Jeux de la honte – ceux organisés par le régime nazi à Berlin en 1936 – qui étaient placés sous forte surveillance policière. surveillance.
Alors qu’ils pénétraient dans les appartements des athlètes israéliens, le groupe armé a abattu deux athlètes israéliens et a pris neuf autres en otages.
La police allemande a rapidement encerclé le bâtiment, mais était mal préparée. Les négociations ont commencé. Les terroristes avaient plusieurs revendications, notamment la libération de quelque 230 prisonniers palestiniens détenus en Israël.
Au fil des heures, la situation est devenue de plus en plus confuse. Finalement, un accord a été trouvé dans la soirée du 5 septembre. Les terroristes et leurs otages ont été transférés par hélicoptère à l’aéroport militaire près de Munich.
17 morts
La prise d’otages, qui a duré toute la journée, s’est terminée par un assaut mal organisé de la police allemande sur la base aérienne de Fürstenfeldbruck, au nord-ouest de Munich. L’opération fut un fiasco et se termina dans un bain de sang. Le bilan est lourd : 17 morts, dont 11 athlètes israéliens, un policier allemand et cinq membres du commando palestinien.
Meas Kheng n’a pas oublié ce jour-là. Le jeune sprinteur cambodgien était censé tester les starters sur piste. À son réveil le 5 septembre, une grande confusion régnait dans le village olympique. Le village olympique a été bouclé par la police.
“La police était partout”, se souvient-elle dans un entretien à RFI.
“Ils avaient fermé les passages que je devais emprunter. Quand je suis arrivé au centre de formation, j’ai appris qu’il y avait des problèmes entre Israéliens et Palestiniens. À l’époque, je ne comprenais pas trop ce qui se passait.”
Aujourd’hui âgée de 77 ans, Meas Kheng se souvient de ne pas avoir eu peur lorsqu’elle a appris que des hommes armés avaient fait irruption dans le village olympique.
“Dans mon pays, le Cambodge, j’avais l’habitude d’entendre les soldats khmers rouges tirer lorsqu’ils attaquaient mon village. Je ne suis pas étranger à ce genre d’insécurité.”
Et comme elle ne parlait aucune langue étrangère, Meas Kheng a déclaré qu’elle ne comprenait pas vraiment ce qui se passait à ce moment-là et qu’elle s’était rapidement désintéressée.
“Pour être honnête, je suis vite passé à autre chose. L’important pour moi, c’était d’être bien préparé. J’étais très jeune. Je me suis dit que participer aux JO de Munich, c’était gagner une médaille. Alors je me suis recentré sur mon objectif en tant qu’athlète : gagner.”
Considérée par les Cambodgiens comme la reine des sprinteurs d’Asie du Sud-Est dans les années 1970, la coureuse de 100 m et 200 m était la seule femme de la délégation cambodgienne aux Jeux olympiques de Munich.
L’équipe cambodgienne était composée de quatre nageurs, quatre athlètes et un boxeur.
Après les Jeux olympiques de Munich, le chef de la délégation cambodgienne avait expliqué que ses athlètes n’avaient pas pu se préparer convenablement et suffisamment en raison de la guerre civile qui faisait rage dans le petit royaume, opposant les soldats communistes khmers rouges aux forces armées de la République khmère de Lon Nol.
À l’insu du Cambodge, Munich devait être ses derniers Jeux Olympiques pendant près de trois décennies.
Il faudra attendre 1996 avant de pouvoir à nouveau porter la flamme olympique.
Une tragédie va isoler et détruire le pays : le régime des Khmers rouges qui, entre autres, réduit à zéro toute activité sportive, tout entraînement athlétique, qui n’a pas sa place dans leur utopie agraire qui coûtera près de deux millions de vies.
Ce n’est qu’en 1993, peu après les Accords de paix de Paris, que le Comité international olympique a de nouveau reconnu le Cambodge comme l’un de ses membres, ce qui a conduit à plusieurs changements notables dans l’administration sportive cambodgienne.
C’est aux Jeux d’Atlanta en 1996 qu’une délégation cambodgienne défile à nouveau sous le drapeau olympique, à une époque où le pays commence tout juste à se réinventer.
Depuis ses premiers Jeux Olympiques en 1956, le Cambodge a envoyé des athlètes à neuf éditions des Jeux d’été, dont la dernière s’est tenue à Tokyo en 2020.
Et le royaume continue de nourrir le même rêve que Meas Kheng : remporter un jour une médaille olympique.