Après des jours de suspense, le président français Emmanuel Macron a annoncé qu’il ne participerait pas à la marche contre l’antisémitisme organisée dimanche, mais qu’il serait présent “dans le cœur et dans mes pensées”. De nombreux représentants des religions sont attendus, mais peu de musulmans, plusieurs organisations regrettant que la marche se déroule « sans un mot sur l’islamophobie ».
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Les présidents de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet et du Sénat Gérard Larcher mèneront le cortège dimanche après-midi sous la bannière “Pour la République, contre l’antisémitisme”.
La sécurité a été renforcée pour l’événement à Paris avec plus de 3 000 policiers et gendarmes en service ainsi que des unités d’élite, selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.
“Nous déclarons au monde que la République française ne permet pas et ne permettra jamais à l’antisémitisme de s’épanouir”, ont écrit Braun-Pivet et Larcher dans leur appel lancé mardi.
S’exprimant samedi en marge des commémorations de la Première Guerre mondiale du 11 novembre, Macron a déclaré qu’il ne participerait pas à la marche, mettant fin à des jours de spéculation.
Au lieu de cela, il a qualifié cette initiative de « raison d’espérer » et a déclaré qu’il serait présent « dans mon cœur et dans mes pensées ».
Ferme sur les valeurs
“Mon rôle est plutôt de construire l’unité du pays et d’être ferme sur les valeurs”, de “prendre des décisions, de dire des mots quand il faut le dire et d’agir, sinon je manifesterais chaque semaine”, a déclaré Macron.
“Sur l’antisémitisme, c’est très simple”, a-t-il déclaré. “Nous ne concéderons rien et rien ne le justifie”, a-t-il souligné.
“Une France où nos citoyens juifs ont peur n’est pas la France. Une France où les Français ont peur à cause de leur religion ou de leur origine n’est pas la France”, écrit-il dans une lettre publiée samedi soir dans le quotidien Le Parisien.
Il a déclaré que la “grande marche civique” de dimanche devrait montrer la France “unie derrière ses valeurs, son universalisme”.
Le président a déposé une gerbe de fleurs au pied de la statue de Georges Clemenceau, “défenseur du capitaine juif Alfred Dreyfus” et “père de la victoire” de la Première Guerre mondiale.
Près de 1 250 actes antisémites ont été recensés dans le pays selon les autorités depuis le début de la guerre déclenchée par les massacres du Hamas en Israël le 7 octobre et les représailles qui ont suivi à Gaza.
Depuis lors, Macron a poursuivi un délicat exercice d’équilibre cherchant à concilier le soutien de la France à Israël et sa relation unique avec les pays arabes.
Il veut également éviter l’importation du conflit en France, où cohabitent la plus grande communauté juive d’Europe et des millions de musulmans.
Il a durci son ton concernant la violence à Gaza vendredi lorsqu’il a déclaré aux journalistes de la BBC que même si Israël avait le droit de se défendre, il n’y avait “aucune justification” pour le bombardement de civils, affirmant que ces morts provoquaient du “ressentiment”.
Ressentiment
De nombreux représentants des religions seront présents à la marche de samedi, mais plusieurs imams français ou instances musulmanes ont affirmé qu’ils n’y participeraient pas, regrettant qu’elle se tienne “sans un mot sur l’islamophobie”.
“La Grande Mosquée ne participera pas à la marche prévue dimanche prochain contre l’antisémitisme”, a déclaré vendredi l’imam de la Grande Mosquée de Paris Abdennour Tahraoui lors de son prêche aux fidèles.
“Peut-on faire la même marche pour les (actes) anti-musulmans ?” » a-t-il demandé, déplorant « le silence glacial de la société française, qui est notre pays d’accueil et notre patrie ».
“Nous ne sommes pas antisémites, c’est la stricte vérité”, a-t-il ajouté, avant de s’interroger : “Pourquoi ce que nous disons ou faisons est-il perçu comme une agression, une intrusion ou un non-respect des lois de la République, alors que si un autre insulte ou incite à la haine des musulmans, cela devient soudainement la liberté d’expression ? Sommes-nous des citoyens français égaux ou de seconde zone ?
Mercredi déjà, le Conseil français du culte musulman (CFCM) affirmait que “cette marche, qui a pour objectif exclusif de dénoncer l’antisémitisme sans un mot sur l’islamophobie, n’est malheureusement pas de nature à rassembler”.
“Si nous condamnons sans réserve l’antisémitisme, nous ne marcherons pas avec des islamophobes notoires et des partisans inconditionnels d’un Etat colonial”, a également déclaré sur X (ex-Twitter) l’Union des démocrates musulmans français, en faisant référence à la participation de dirigeants de partis d’extrême droite.
Controverse
Malgré ces propos, l’imam de Drancy (en région parisienne) Hassen Chalghoumi, connu pour son ouverture au dialogue avec la communauté juive, a indiqué qu’il se rendrait à la marche “pour dire haut et fort ‘non à la haine et à l’antisémitisme'”. ‘”.
L’événement a suscité des polémiques dans les sphères politiques, notamment en raison de la présence du Rassemblement national (RN), parti qui fait face à des accusations sur son histoire marquée par l’antisémitisme, notamment lié à son fondateur Jean-Marie Le Pen.
La décision des piliers d’extrême droite Marine Le Pen et Eric Zemmour a suscité de vives critiques à gauche.
Le leader communiste Fabien Roussel a déclaré qu’il “ne marcherait pas aux côtés” du RN, l’accusant de descendre de personnes “condamnées à plusieurs reprises pour des propos antisémites” et ayant “collaboré” avec l’Allemagne nazie.
Le parti d’extrême gauche La France Insoumise (LFI) a choisi de boycotter l’événement tandis que les autres partis de gauche ont indiqué qu’ils se présenteraient sous une bannière de “cordon républicain” pour ne pas se mêler à l’extrême droite.
La Première ministre Elisabeth Borne, dont le père juif a été déporté, a déclaré qu’elle participerait à la marche. Les anciens présidents François Hollande et Nicolas Sarkozy, ainsi que d’anciens premiers ministres y participeront également.
(avec fils de presse)