En analysant des sédiments vieux de 56 millions d’années, une équipe de l’UNIGE a mesuré l’augmentation de l’érosion des sols provoquée par le réchauffement climatique, synonyme d’inondations majeures.
Il y a cinquante-six millions d’années, la Terre a connu un réchauffement climatique important et rapide dû aux émissions de gaz à effet de serre, probablement dues aux éruptions volcaniques. Une équipe de l’Université de Genève (UNIGE) a analysé les sédiments de cette période pour évaluer l’impact de ce réchauffement climatique sur l’environnement, et plus particulièrement sur l’érosion des sols.
L’étude a révélé une multiplication par quatre de l’érosion des sols en raison des fortes pluies et des crues des rivières. Ces résultats suggèrent que le réchauffement actuel pourrait avoir un effet similaire au fil du temps, augmentant considérablement les risques d’inondation. Ils sont publiés dans la revue Géologie.
En raison de ses similitudes avec le réchauffement actuel, le maximum thermique Paléocène-Éocène est étudié de près pour comprendre comment l’environnement terrestre réagit à une augmentation globale de la température. Survenu il y a 56 millions d’années, cet épisode a vu la Terre se réchauffer de 5 à 8°C en 20 000 ans, un temps très court à l’échelle géologique. Elle a duré 200 000 ans, provoquant d’importantes perturbations de la flore et de la faune. Selon les récents rapports du GIEC, la Terre est désormais au bord d’un réchauffement similaire.
Les scientifiques analysent les sédiments de cette période pour obtenir une « image » plus précise de ce réchauffement passé et de ses conséquences et pour faire des prévisions pour l’avenir. Ces dépôts naturels sont le résultat de l’érosion des sols par l’eau et le vent. Ils étaient transportés par les rivières jusqu’aux océans. Aujourd’hui conservées dans les roches, ces archives géologiques fournissent de précieuses informations sur notre passé, mais aussi notre avenir.
Quatre fois plus d’érosion
“Notre hypothèse de départ était que, pendant une telle période de réchauffement, la saisonnalité et l’intensité des précipitations augmentent. Cela modifie la dynamique des crues des rivières et intensifie le transport de sédiments des montagnes vers les océans. Notre objectif est de tester cette hypothèse et, surtout, tout cela, pour mieux quantifier ce changement”, explique Marine Prieur, doctorante à la Section des sciences de la terre et de l’environnement de la Faculté des sciences de l’UNIGE, et première auteure de l’étude.
L’équipe de recherche a étudié un type spécifique de sédiments, les grains de Microcodium, collectés dans les Pyrénées (environ 20 kg). Ces prismes de calcite, d’une taille ne dépassant pas un millimètre, se formaient spécifiquement à cette époque autour des racines des plantes, dans le sol. Mais on les retrouve également dans les sédiments marins, prouvant leur érosion sur le continent. Les grains de Microcodium sont donc un bon indicateur de l’intensité de l’érosion des sols sur les continents.
“En quantifiant l’abondance des grains de Microcodium dans les sédiments marins, à partir d’échantillons prélevés dans les Pyrénées espagnoles, qui ont été submergées au Paléocène-Éocène, nous avons montré une multiplication par quatre de l’érosion des sols sur le continent lors du changement climatique survenu. Il y a 56 millions d’années”, révèle Sébastien Castelltort, professeur ordinaire à la Section des sciences de la terre et de l’environnement de la Faculté des sciences de l’UNIGE, qui a dirigé l’étude.
L’action humaine va exacerber le phénomène
Cette découverte met en évidence l’impact significatif du réchauffement climatique sur l’érosion des sols à travers l’intensification des précipitations lors des tempêtes et l’augmentation des crues des rivières. C’est un indicateur de fortes inondations.
“Ces résultats concernent spécifiquement cette zone des Pyrénées, et chaque zone géographique est dépendante de certains facteurs uniques. Cependant, un apport sédimentaire accru dans les strates Paléocène-Éocène est observé à l’échelle mondiale. Il s’agit donc d’un phénomène global, à l’échelle de la Terre. -à grande échelle, lors d’un événement de réchauffement important”, souligne Marine Prieur.
Ces résultats fournissent de nouvelles informations qui peuvent être intégrées dans les prévisions sur notre climat futur. Notamment pour mieux évaluer les risques d’inondations et d’effondrement des sols dans les zones peuplées.
« Il faut garder à l’esprit que cette augmentation de l’érosion s’est produite naturellement, sous le seul effet du réchauffement climatique. Aujourd’hui, pour prédire ce qui nous attend, il faut aussi considérer l’impact de l’action humaine, comme la déforestation, qui amplifie divers phénomènes. , y compris l’érosion”, concluent les scientifiques.
Plus d’information:
Marine Prieur et al, Remaniement amélioré des plaines inondables par empreintes digitales pendant le maximum thermique Paléocène−Éocène dans les Pyrénées du Sud (Espagne) : implications pour la dynamique des canaux et l’enfouissement du carbone, Géologie (2024). DOI : 10.1130/G52180.1
Fourni par l’Université de Genève
Citation: Les archives géologiques peuvent prédire notre avenir climatique (2024, 25 juin) récupéré le 25 juin 2024 sur
Ce document est soumis au droit d’auteur. En dehors de toute utilisation équitable à des fins d’étude ou de recherche privée, aucune partie ne peut être reproduite sans autorisation écrite. Le contenu est fourni seulement pour information.