Un paquet controversé de réformes de l'immigration visant à durcir certaines conditions pour les étrangers vivant ou s'installant en France a désormais été adopté par les deux chambres du Parlement français, grâce au soutien de l'extrême droite. La législation a considérablement changé depuis qu'elle a été proposée pour la première fois par le parti centriste du président Emmanuel Macron. Que contient-elle réellement ?
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Le projet de loi a été adopté par la chambre basse, l'Assemblée nationale, mardi soir. La chambre haute du Sénat l'avait déjà adopté le mois dernier.
Le texte révisé, résultat d'amendements au Sénat ainsi que par un comité mixte de législateurs des deux chambres, a incité un membre du cabinet à démissionner et suscité l'indignation des organisations caritatives et des groupes de défense des droits.
Le projet de loi doit encore être officiellement promulgué et les mesures sont soumises à l'approbation des plus hautes cours constitutionnelles et administratives de France, qui statueront sur leur conformité aux principes et procédures du pays.
RFI revient sur les principaux changements approuvés par le Parlement.
■ Pas d'amnistie pour les travailleurs sans papiers
Macron et son parti ont insisté dès le début sur le fait que l’un des objectifs de la réforme des règles d’immigration était de faciliter le séjour légal des immigrants sans papiers travaillant dans des secteurs en sous-effectif.
Ils voulaient offrir des permis de séjour d’un an aux personnes travaillant dans l’hôtellerie, la construction et d’autres secteurs clés – mais la droite a insisté pour ajouter des conditions.
Désormais, seules les personnes résidant en France depuis trois ans ou plus et ayant travaillé au moins 12 mois sur les 24 derniers mois pourront postuler, et les préfectures locales évalueront chaque demande au cas par cas.
■ Les immigrants sans papiers criminalisés
Le nouveau texte érige en délit le fait de séjourner en France sans papiers d'immigration, un changement réclamé par la droite.
Toutefois, le délit est qualifié de mineur et ne peut être puni d’une peine de prison. Au lieu de cela, les gens risquent une amende pouvant aller jusqu’à 3 750 €.
■ Conditions plus strictes en matière de citoyenneté
Alors que les enfants nés de deux parents étrangers en France obtenaient auparavant automatiquement la nationalité française à l'âge de 18 ans, les réformes obligeront désormais les enfants à demander formellement la nationalité pendant une période de deux ans entre 16 et 18 ans.
Toute personne reconnue coupable d'un crime verra sa demande catégoriquement refusée.
Par ailleurs, les binationaux reconnus coupables du meurtre d'un agent des forces de l'ordre peuvent être déchus de la nationalité française.
■ Conditions liées au regroupement familial
La nouvelle loi rendra plus difficile pour les immigrés non européens résidant légalement en France de faire venir des membres de leur famille pour les rejoindre.
Les personnes cherchant un visa pour un conjoint ou un proche ne pourront en faire la demande qu'après avoir séjourné en France pendant au moins deux ans et devront justifier de ressources financières “stables, régulières et suffisantes” ainsi que d'un état de santé. assurance (y compris publique).
Pour les partenaires non mariés, seules les personnes âgées de plus de 21 ans seront éligibles au lieu des plus de 18 ans.
■ Quotas de migration
Selon un amendement présenté par le Sénat, le Parlement devrait s'efforcer de convenir de limites spécifiques à la “migration économique”, c'est-à-dire aux personnes venant travailler en France, et non aux demandeurs d'asile, aux étudiants ou aux personnes rejoignant des membres de leur famille.
Le projet de loi engage les législateurs à organiser chaque année un débat sur la question, afin de discuter des quotas pour les trois prochaines années. Mais la proposition risque d’être contestée pour des raisons constitutionnelles.
■ Cinq ans d'attente pour bénéficier des prestations
Décidée à rendre plus difficile l'accès des immigrés à l'aide sociale en France, la droite a plaidé en faveur d'un nouveau délai de carence avant que les ressortissants de pays tiers puissent prétendre à certaines allocations, même s'ils ont immigré ici légalement.
Dans le cadre des réformes, les immigrés hors UE devront passer cinq ans en France avant de pouvoir demander des aides sociales, notamment des allocations de logement, des allocations familiales et une aide au revenu pour les plus de 60 ans – réduites à deux ans et demi s'ils travaillent. .
Le délai de carence ne s'applique pas aux allocations de chômage des personnes qui perdent leur emploi.
■ Les étudiants étrangers paient une caution
La nouvelle loi exige que les ressortissants de pays tiers souhaitant obtenir un premier visa étudiant versent une caution à l’État pour couvrir les frais imprévus pendant leurs études en France – comme leur retour dans leur pays d’origine, si nécessaire.
La caution, dont le montant n'a pas été fixé, sera restituée si l'étudiant quitte la France comme prévu, renouvelle son titre ou passe à une autre catégorie de visa. Il sera retenu si l'étudiant dépasse la durée de son séjour et se soustrait à un ordre de partir.
Les étudiants autorisés à séjourner plusieurs années en France devront également prouver chaque année qu'ils sont inscrits dans un véritable programme « sérieux ».
■ Restrictions sur les visas sanitaires
La France offre certains visas sur la base de problèmes de santé, pour permettre aux immigrants de rester dans le but de recevoir un traitement médical.
Mais dans le cadre de la réforme, ces visas ne seront accordés que si le demandeur peut démontrer qu'il n'existe aucun « traitement approprié » disponible dans son pays d'origine. Et s’ils disposent d’un certain niveau de ressources, ils seront exclus du système de santé public.
Cependant, le Parlement n’a pas accepté de supprimer l’aide médicale financée par l’État pour les immigrés sans papiers, comme le réclamait la droite mais à laquelle s’opposaient les experts de la santé publique.
Au lieu de cela, ce système fera l’objet d’un débat plus approfondi l’année prochaine, la Première ministre Elisabeth Borne promettant de présenter un projet de loi distinct le réformant au début de 2024.
■ Interdiction de détenir des enfants
L’une des rares autres concessions obtenues de la droite a été un accord interdisant la pratique consistant à placer des mineurs dans des centres de détention pour migrants.
Des milliers de jeunes de moins de 18 ans sont détenus après être entrés sans autorisation sur le territoire français, une pratique condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme. La plupart des enfants concernés sont détenus dans le département français d'outre-mer de Mayotte, dans l'océan Indien.