La compagnie aérienne à bas prix EasyJet a été condamnée à une amende de 40 000 € pour « discrimination fondée sur le handicap », dans un jugement qui a mis 13 ans à être rendu.
La compagnie aérienne – l’opérateur suisse d’EasyJet, EasyJet Suisse – doit payer l’amende à l’État français.
« Une amende de 40 000 euros à verser au Trésor public, 2 500 euros de dommages et intérêts et 2 000 euros de frais de justice à verser à leur ancien client », a indiqué le tribunal correctionnel de Nantes, à l’issue du procès qui a reconnu la compagnie aérienne coupable jeudi 12 septembre.
La cliente en question, Marie-Bernadette – qui habite à Montaigu-Vendée (Pays de la Loire) – attendait le résultat du procès depuis 2011.
« Carte d’embarquement arrachée »
L’affaire remonte au mois d’avril de cette année-là, alors que Marie-Bernadette – qui est paraplégique (incapable de bouger ses jambes) et se déplace en fauteuil roulant – embarquait sur un vol EasyJet de Nantes à Genève, en Suisse.
Elle voyageait seule et avait un billet et une carte d’embarquement valides.
Mais, a-t-elle expliqué, au moment de l’embarquement, sa carte d’embarquement lui a été “arrachée” par un agent d’Aviapartners (société sous-traitante de la compagnie aérienne). L’agent a précisé qu’Aviapartners avait “des instructions strictes” pour s’assurer que chaque passager puisse “évacuer l’avion sans assistance” en cas de problème.
Marie-Bernadette a elle-même admis qu’elle n’était pas en mesure de le faire, car elle ne pouvait pas « se tenir debout toute seule ». Elle s’est donc vu refuser l’embarquement.
«Discrimination inacceptable»
Cette application stricte de la règle de « l’évacuation » a été jugée discriminatoire.
Le tribunal a estimé qu’EasyJet « interprétait » certaines « réglementations spécifiques au Royaume-Uni », et non une loi « de l’Union européenne (dans laquelle) les compagnies aériennes sont tenues de former les équipages et de fournir une assistance aux personnes handicapées ».
« Ils n’ont pas les moyens de financer les services nécessaires pour s’occuper d’une personne handicapée, alors ils font porter la responsabilité sur les passagers », a expliqué l’avocat de Marie-Bernadette, Patrick de la Grange. Il a ajouté qu’il estimait que la compagnie aérienne « choisissait de ne pas former son personnel dans ce domaine pour des raisons économiques ».
« Ma cliente attendait cette audience depuis des années, mais son état de santé l’a empêchée de venir », a-t-il déclaré au tribunal. « EasyJet est la seule compagnie aérienne qui soit aussi stricte : ma cliente a pu voyager avec d’autres personnes sans de telles consignes. »
Il a déclaré que le traitement réservé à la requérante par EasyJet constituait une « discrimination inacceptable » et avait demandé 25 000 € de dommages et intérêts et 5 000 € de frais de justice en raison de la « durée particulière de la procédure ».
« Elle a été privée de son statut d’être humain et abandonnée sur le tarmac », a déclaré M. de la Grange. « Cette somme peut paraître importante, mais elle ne l’est pas au regard des dommages subis, qui sont extrêmement importants et très élevés. Le sentiment de colère et d’injustice est toujours aussi fort aujourd’hui. »
M. de la Grange a ajouté qu’EasyJet a souvent été accusée de maltraiter les passagers handicapés. Entre 2013 et 2017, EasyJet a été condamnée à plusieurs reprises à des amendes allant de 50 000 à 70 000 euros pour des infractions similaires.
« Nous ne sommes pas responsables… mais nous assumons nos responsabilités »
L’avocat d’EasyJet Suisse a déclaré qu’il s’agissait du seul procès intenté contre EasyJet Suisse à ce sujet, et du seul dans lequel elle était impliquée.
Les autres plaintes avaient été déposées séparément, contre « l’entité britannique » de la compagnie aérienne à Paris, Bobigny (Seine-Saint-Denis) et Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), a-t-elle précisé.
Elle a nié que la compagnie aérienne soit anti-handicapée, citant comme preuve son partenariat avec les Jeux paralympiques de Paris 2024. « Il n’y a eu aucun problème pour transporter des athlètes et des spectateurs handicapés », a-t-elle assuré.
L’avocate a également regretté qu’aucun représentant d’Aviapartner n’ait été présent dans la salle d’audience le jour du jugement, précisant que le sous-traitant n’avait « pas associé EasyJet à sa décision » le jour où il avait refusé l’embarquement à Marie-Bernadette.
« À notre avis, nous ne sommes pas responsables », a-t-elle déclaré.
« Mais nous avons toujours pris nos responsabilités : nous ne cherchons pas à nous fâcher avec les gens. Nos sous-traitants nous permettent d’avoir un modèle économique positif, pour nous et pour nos passagers. Nous n’allons donc pas améliorer les choses en les insultant », a-t-elle ajouté.
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Politique d’EasyJet en matière de handicap
EasyJet a une série de politiques conçu pour accueillir des « passagers ayant des besoins spécifiques ».
Cela comprend des règles sur les fauteuils roulants et les équipements de mobilité, et stipule que les passagers doivent « nous prévenir 48 heures avant leur départ » pour « nous permettre de mettre en place » des installations aéroportuaires pour le chargement et le déchargement des aides à la mobilité et des fauteuils roulants.
La politique stipule que cet avis est nécessaire pour permettre à la compagnie aérienne de faire « des efforts raisonnables pour répondre à vos besoins ». Elle stipule que « dans la mesure du possible, EasyJet s’efforcera de fournir aux passagers une assistance lors de l’embarquement et du débarquement de ses vols ».