Les autorités gabonaises ont lancé une bataille juridique pour récupérer un précieux masque en bois utilisé lors de cérémonies secrètes par l’ethnie Fang, importé en France à l’époque coloniale et vendu aux enchères plus tôt cette année pour 4,2 millions d’euros.
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Les avocats du gouvernement de transition au Gabon, dont le président de longue date a été renversé lors d’un coup d’État il y a deux mois, ont comparu mardi devant le tribunal d’Alès, dans le sud de la France, pour exiger l’annulation de la vente et le rapatriement du masque.
Ils soutiennent que l’objet, l’un des rares objets connus, a été retiré illégalement du Gabon pendant la domination coloniale française.
Sculpté dans du bois de fuma tropical, peint avec de l’argile blanche et orné d’une barbe en raphia, le masque en forme de visage allongé était destiné à être porté par les membres du Ngil : une société secrète du peuple Fang qui allait de village en village. village traquant les habitants soupçonnés d’actes répréhensibles et infligeant des punitions, parfois mortelles.
Il a été introduit en France au début du XXe siècle par un gouverneur colonial, René-Victor Fournier, qui l’aurait acquis lors d’une visite dans ce qui était alors l’Afrique équatoriale française.
“Personne ne peut vraiment croire que le peuple gabonais ait spontanément offert ce masque d’une valeur incommensurable à un gouverneur de passage en guise de cadeau de bienvenue”, a soutenu l’avocat du Gabon, Me Jean-Christophe Bessy.
Le Gabon a également déposé une plainte pour recel, qui est actuellement examinée par les procureurs français pour déterminer s’il existe des motifs de poursuites pénales.
Réclamation française
On ne sait toujours pas où se trouve actuellement le masque. Il a été vendu à un enchérisseur anonyme dans une maison de vente aux enchères de Montpellier, dans le sud du pays, en mars et n’a pas été revu depuis.
Les descendants de Fournier ont également intenté une action en justice distincte pour récupérer le masque rare, arguant qu’ils avaient été trompés en le vendant à bas prix à un antiquaire qui l’échangerait ensuite contre des millions d’euros.
Il y a encore deux ans, le masque se trouvait dans le grenier de la maison familiale Fournier, où il était resté oublié pendant des décennies. Ses propriétaires, un couple d’octogénaires, l’ont découvert lors d’un bradage et l’ont revendu au concessionnaire en septembre 2021 pour 150 €.
Ils soutiennent que le commerçant les a sciemment sous-payés pour le masque et souhaitent que la vente soit déclarée nulle. Mais ses avocats insistent sur le fait qu’il n’avait pas connaissance de la valeur de l’objet avant de le mettre aux enchères – où il était initialement estimé entre 300 000 et 400 000 € avant d’être finalement vendu pour 4,2 millions d’euros, plus environ 1 million d’euros de frais et honoraires supplémentaires.
Les manifestants se décrivant comme des descendants du peuple Fang se sont opposés à la vente aux enchères, qualifiant le masque de « gain colonial mal acquis ».
Trésors pillés
Les autorités coloniales françaises ont interdit le Ngil au début du XXe siècle, entraînant la perte ou la destruction de nombreux objets rituels de la société.
Parmi la douzaine d’autres masques Ngil authentiques qui ont survécu, plusieurs sont conservés dans des musées, dont le musée public du quai Branly à Paris.
La dernière œuvre vendue sur le marché privé a atteint 5,9 millions d’euros aux enchères en 2006, ce qui en fait l’une des œuvres d’art africaines les plus chères au monde.
Alors qu’une pression croissante s’exerce sur la France et d’autres pays européens pour restituer les trésors culturels pillés en Afrique pendant l’ère coloniale, la plupart des restitutions à ce jour ont été effectuées à partir de collections publiques.
Les propriétaires privés ne peuvent être contraints de restituer leurs objets, sauf s’il est prouvé qu’ils ont été acquis illégalement.
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