L’État français a été condamné à verser 12 000 € de dommages et intérêts et de frais de justice à un fils qui s’est vu interdire de voir son père mourant lors du premier confinement lié au Covid-19.
En mars 2020, Claude Dupras, le père de Patrice Dupas, alors âgé de 82 ans, a reçu un diagnostic de cancer de l'urètre, qui s'est propagé au foie, aux os et au péritoine (la paroi abdominale).
Deux semaines plus tard, son état se dégradant rapidement, Patrice décide qu'il a besoin d'être avec son père, qui habite à 300 km de là, sur l'Île de Ré en Charente-Maritime. Cependant, à cette époque, tous les voyages longue distance étaient interdits en raison du confinement dû au Covid.
'Raisons familiales'
Avant son départ, Patrice a contacté la gendarmerie en ligne, qui lui a assuré qu'il pourrait continuer son voyage car il relevait d'une des exceptions : “motif familial impérieux» (raison familiale impérative). Il avait rempli le bon verrouillage attestation formulaires qui étaient exigés à l'époque, indiquant clairement cette raison.
Mais à son arrivée à l'Île de Ré, la gendarmerie l'a refoulé. Et ce, malgré la belle-mère de Patrice et le médecin généraliste de son père qui sont intervenus pour le défendre et ont démontré des contacts antérieurs avec la gendarmerie à ce sujet.
Mais les gendarmes n'ont pas cédé. Ils lui ont infligé une amende de 135 euros pour non-respect du confinement et l’ont fait faire demi-tour.
Son père est décédé cinq jours plus tard.
« Les derniers mots que mon père m'a dit au téléphone ont été : 'Ne t'inquiète pas, on se reverra' », raconte Patrice. “Je ne pourrai jamais l'oublier.”
Une action en justice
Deux semaines plus tard, la gendarmerie reconnaît sa faute et annule l'amende. Mais c’était trop peu, trop tard. Patrice a intenté une action en justice au printemps 2022.
Et le 19 décembre 2023, le tribunal judiciaire de La Rochelle a jugé qu'il y avait eu “faute grave de l'Etat” dans cette affaire.
Le tribunal a estimé qu'une “série de faits” avait conduit à un “processus d'excès disproportionné des pouvoirs de contrôle” et à un “déni de justice pour M. Patrice Dupas, à savoir le droit d'être avec son père pour un motif familial impérieux”. “La lourde faute de l'Etat est donc établie”, conclut-il.
“C'est un excellent jugement”, a déclaré l'avocat de Patrice, Kévin Gomez, à Le Parisien.
“L'État vient de nous dire qu'il ne fera pas appel. Les gendarmes n'ont pas seulement commis une erreur, ils sont restés derrière leurs actes et ont imposé une amende. Claude Dupas n'a pas pu revoir son fils. Et son fils n'a pas pu dire au revoir à son père une dernière fois.
Le verdict définitif est attendu le 6 mars.
Patrice a déclaré que le jugement contre l'État a considérablement réduit son sentiment de culpabilité de ne pas avoir été au chevet de son père au moment de sa mort.
“Ils ont volé mon père et je n'ai rien pu faire”, a déclaré Patrice. “(Mais) avec ce jugement, le sentiment de culpabilité s'en va. Ce n'était pas de ma faute. Je dors beaucoup mieux maintenant. là-bas, j'espère que (mon père est) heureux », a-t-il déclaré.
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