Une nouvelle étude publiée dans Communications naturelles se penche sur la manipulation des transitions de spin à l’échelle atomique à l’aide d’une tension externe, mettant en lumière la mise en œuvre pratique du contrôle de spin à l’échelle nanométrique pour les applications d’informatique quantique.
Les transitions de spin à l’échelle atomique impliquent des changements dans l’orientation du moment cinétique ou du spin intrinsèque d’un atome. Dans le contexte atomique, les transitions de spin sont généralement associées au comportement des électrons.
Dans cette étude, les chercheurs se sont concentrés sur l’utilisation des champs électriques pour contrôler les transitions de spin. Le fondement de leurs recherches était fortuit et motivé par la curiosité.
Le Dr Christian Ast, auteur principal du Max-Planck-Institute for Solid State Research, a expliqué à Phys.org : “Notre inspiration est née d’une pure curiosité. Nous avons développé notre machine et notre méthode expérimentale juste avant de commencer ce projet.”
“Alors que nous caractérisions notre nouvelle expérience, nous avons observé quelque chose d’étrange. Nous avons constaté que notre signal change en fonction de la tension de polarisation que nous appliquons dans notre jonction. Le projet et les recherches qui ont suivi sont nés de cette observation.”
Spins électroniques et transitions de spin
Les électrons possèdent un spin intrinsèque, qui peut être « vers le haut » ou « vers le bas ». Ces états de spin sont souvent représentés par des nombres quantiques, tels que +1/2 pour « haut » et -1/2 pour « bas ». Lorsque les électrons effectuent une transition entre ces états de spin, cela peut entraîner divers effets observables.
La manipulation de ces spins est fondamentale pour l’informatique quantique, où les spins électroniques sont utilisés comme qubits, et pour la spintronique, qui améliore le traitement et le stockage des données. Cela a également un impact sur la science des matériaux et la physique fondamentale, apportant des avancées technologiques et scientifiques.
Dans cette étude, le dispositif expérimental était crucial pour manipuler les spins. Au cœur de l’appareil se trouvait un microscope à effet tunnel à résonance de spin électronique (ESR-STM). ESR-STM est un système hybride qui intègre de manière transparente deux techniques puissantes : ESR et STM. Grâce à cette configuration innovante, des atomes et des molécules individuels ont été déposés avec précision sur la surface de l’échantillon, offrant ainsi une fenêtre unique sur le monde atomique.
Le Dr Ast a expliqué : « ESR-STM combine les capacités de l’ESR et du STM, nous permettant à la fois de résoudre des atomes et des molécules individuels lors d’un balayage topographique et de les sonder avec un courant électrique. »
Tension de polarisation et champ électrique induit
Pour l’échantillon, les chercheurs ont choisi d’étudier des molécules uniques d’hydrure de titane (TiH). Le cœur de l’expérience reposait sur l’application stratégique d’une tension de polarisation entre l’échantillon et la pointe du STM.
L’application de cette tension de polarisation a induit un champ électrique puissant au sein de la jonction tunnel, un espace étroit formé entre la pointe et l’échantillon, par lequel les électrons peuvent traverser un tunnel.
Les chercheurs ont remarqué que le champ électrique induit affectait la position de la molécule TiH, modifiant ainsi le facteur g. Le facteur g, ou facteur g de Landé, représente la proportionnalité entre le moment cinétique intrinsèque d’un électron, ou spin, et son moment magnétique, fournissant ainsi un aperçu de son comportement dans un champ magnétique.
De plus, ils ont remarqué que le champ électrique induit faisait interagir la molécule TiH avec un champ magnétique unique, induit par le spin polarisé de la pointe STM.
Essentiellement, la tension de polarisation est apparue comme un outil puissant pour manipuler les transitions de spin.
Effet Zeeman et travaux futurs
Forts de ces connaissances, les chercheurs se sont aventurés à explorer davantage l’effet Zeeman. L’effet Zeeman est le phénomène par lequel les niveaux d’énergie des états de spin électronique dans des molécules individuelles se divisent en présence d’un champ magnétique.
“En appliquant un champ magnétique à notre jonction STM, nous pouvons diviser les niveaux d’énergie de deux états de spin dans les molécules individuelles (effet Zeeman). À partir de là, nous sommes capables de capter les changements dans notre courant électrique si nous appliquons des radiofréquences ( pour ESR) qui correspondent à l’énergie de résonance de nos états de spin. D’où le nom de résonance de spin électronique”, a expliqué le Dr Ast.
Ils ont également démontré un contrôle électrique direct des transitions de spin dans des dimères TiH couplés, qui sont des paires de molécules TiH liées entre elles. Cette réalisation a été rendue possible grâce au couplage spin-électron, un phénomène dans lequel les spins des électrons interagissent les uns avec les autres. Cela a révélé le potentiel d’exploitation du comportement coopératif des états de spin dans ces dimères.
En prévision des recherches futures, le Dr Ast a expliqué que son équipe avait déjà plusieurs idées. “Dans nos recherches, nous avons découvert que les changements dans les résonances de spin concernant le champ électrique sont attribués à deux facteurs : les variations du champ magnétique local et les altérations du spin de la molécule.”
“Les raisons exactes de ces changements lors de la modification du champ électrique restent partiellement inexpliquées, ce qui justifie des recherches plus approfondies. Cet effet est également prometteur pour l’utilisation des transitions de spin comme capteurs pour détecter les champs électriques locaux au sein de molécules complexes”, a-t-il conclu.
Cette recherche pourrait ouvrir la porte à des atomes individuels pour servir de qubits de spin dans les ordinateurs quantiques, offrant ainsi une alternative plus rapide aux manipulations mécaniques traditionnelles. La capacité de contrôler la rotation localement et rapidement par des moyens électriques est prometteuse pour les applications informatiques quantiques, où la vitesse est essentielle pour éviter la perte d’informations due à la décohérence.
Plus d’information:
Piotr Kot et al, Contrôle électrique des transitions de spin à l’échelle atomique, Communications naturelles (2023). DOI : 10.1038/s41467-023-42287-2
© 2023 Réseau Science X
Citation: Des scientifiques démontrent le contrôle électrique des transitions de spin atomique (27 octobre 2023) récupéré le 27 octobre 2023 sur
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