L'ancien président péruvien Alberto Fujimori a été libéré de prison mercredi pour des raisons humanitaires, malgré une demande d'un tribunal régional des droits de l'homme visant à retarder sa libération.
Fujimori, 85 ans, purgeait une peine de 25 ans de prison pour le meurtre de 25 Péruviens par des escadrons de la mort dans les années 1990.
La Cour constitutionnelle du Pérou a ordonné sa libération immédiate mardi, mais la Cour interaméricaine des droits de l'homme a demandé un délai pour étudier la décision.
Fujimori, qui a gouverné le Pérou de 1990 à 2000, a été condamné en 2009 pour violations des droits humains. Il a été accusé d'être le cerveau derrière le meurtre des 25 Péruviens alors que le gouvernement combattait les rebelles communistes du Sentier lumineux.
La Cour constitutionnelle s'est prononcée mardi en faveur d'une grâce humanitaire accordée à Fujimori la veille de Noël 2017 par le président de l'époque, Pablo Kuczynski. La Cour suprême du pays a annulé la grâce sous la pression de la Cour interaméricaine des droits de l'homme en 2018 et a ordonné que l'ancien homme fort soit renvoyé en prison pour purger sa peine.
Après que la Cour constitutionnelle a rendu son dernier arrêt, le président de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, Ricardo Pérez Manrique, a demandé dans une résolution de retarder la libération de Fujimori afin de « garantir le droit d'accès à la justice » des 25 personnes assassinées en deux massacres.
“Nous vivons dans un état d'orphelinat parce que nous n'avons aucune institution capable de nous défendre”, a déclaré Gisela Ortiz, sœur de l'une des victimes, à l'Associated Press.
“Le Pérou donne l'image d'un pays où les droits des victimes ne sont pas garantis et où les questions de droits de l'homme n'ont aucune importance”, a-t-elle ajouté.
« Un revers inquiétant »
Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Volker Turk, a déclaré mercredi que l'ordonnance de la Cour constitutionnelle ordonnant la libération de Fujimori “constitue un revers inquiétant”, ajoutant que “toute libération humanitaire des responsables de graves violations des droits de l'homme doit être conforme au droit international”. “.
Fujimori reste une figure polarisante au Pérou. Ses politiques ont amélioré l’économie du pays et l’ont sorti d’un cycle d’hyperinflation. Mais il a également utilisé l’armée pour dissoudre le Congrès et réécrire la constitution, ainsi que pour réprimer la violence de la guérilla.
Le premier des deux massacres qu'il est accusé d'avoir fomenté s'est produit en 1991 dans un quartier pauvre de Lima. Des soldats cagoulés ont abattu 15 habitants, dont un enfant de huit ans, qui s'étaient rassemblés pour une fête.
Puis, en 1992, l'escouade militaire clandestine a enlevé et tué neuf étudiants et un professeur de l'université Enrique Guzmán y Valle. Les experts légistes ont rapporté que les victimes avaient été torturées et touchées par une balle dans la nuque. Leurs corps ont été brûlés et cachés dans des fosses communes.
L'équipe opérait sous la façade d'un cabinet d'architecture et était financée par le gouvernement de Fujimori.
Les accusations portées contre Fujimori ont donné lieu à des années de querelles juridiques. Il a démissionné au moment où il entamait un troisième mandat et a fui le pays en disgrâce après la fuite de bandes vidéo montrant son chef des services de renseignement, Vladimiro Montesinos, soudoyer les législateurs. Fujimori s'est rendu au Japon, pays d'origine de ses parents, et a envoyé sa démission par fax.
Cinq ans plus tard, il a stupéfié ses partisans et ses ennemis lorsqu'il s'est envolé pour le Chili voisin, où il a été arrêté et extradé vers le Pérou.
L'objectif de Fujimori était de se présenter à nouveau à la présidence du Pérou en 2006, mais il a été jugé.
