Le 1er février 1954, l'abbé Pierre lance un plaidoyer passionné pour que la France vienne en aide à ses sans-abri. Soixante-dix ans plus tard, le prêtre reste une figure populaire et son combat pour la défense des personnes sans abri et mal-logées est toujours aussi d'actualité.
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“Mes amis, nous avons besoin de votre aide, une femme vient de mourir de froid ce soir” annonçait le jeune prêtre catholique l'abbé Pierre sur Radio Luxembourg le 1er février 1954 “elle est morte en serrant (son) ordre d'expulsion”.
Son appel à l’aide a provoqué ce que l’on appellera plus tard un « soulèvement de bonté » alors que les dons et les articles pour les sans-abri affluaient.
Son appel a poussé le gouvernement français à agir : trois jours plus tard, il débloquait 10 milliards de francs (2,3 milliards d'euros) pour construire 10 000 logements d'urgence et approuvait une loi interdisant les expulsions pendant l'hiver.
“Son appel de 1954 était un appel à l'humanité, il était manifestement vrai et reste d'une actualité flagrante”, a déclaré Laurent Desmard, président d'honneur de la Fondation Abbé Pierre, à l'agence de presse française AFP.
“Les gens qui l'écoutaient avaient vécu l'exode, les privations de la guerre et étaient très sensibles à la douleur des gens vivant dans la rue pendant cette période extrêmement froide”, se souvient Desmard, ancien secrétaire particulier de l'abbé Pierre.
Une inspiration
L'abbé Pierre, de son vrai nom le père Henri-Antoine Grouès, a fondé la première communauté Emmaüs d'aide aux hommes sans abri à Paris, en 1949. Il avait été résistant pendant la Seconde Guerre mondiale et est devenu député à la fin de la guerre.
Il est décédé en 2007, à l'âge de 94 ans. Mais son combat pour défendre et aider les plus défavorisés continue d'inspirer militants et artistes.
En 2023, un biopic, une bande dessinée et une biographie rééditée lui sont consacrés.
Ses discours, quant à eux, sont régulièrement partagés sur les réseaux sociaux, notamment par les plus jeunes sur la plateforme TikTok.
Le rappeur français Nekfeu a inclus dans la chanson un extrait d'un discours de l'abbé Pierre de 1984 – dans lequel le prêtre s'insurgeait contre « les gens vident les assiettes des autres pour remplir les leurs » Nique les clones (Au diable les clones).
“Je sais ce que je dois dire à ces gens-là : vous êtes les premiers à être violents et provocateurs”, a déclaré l'abbé Pierre.
Toujours d'actualité
Dans une enquête de 2021, l'abbé Pierre arrive en tête de liste des personnalités françaises les plus influentes des 40 dernières années, devant Simone Veil, François Mitterrand et Johnny Hallyday.
“Il s'enflammait à chaque fois qu'il y avait une bataille à mener”, dit Desmard, “c'est ce qui a fait de lui une sorte d'icône : il parle à la génération d'aujourd'hui”.
L'abbé Pierre avait cette capacité « de faire bouger les gens et cela résonne dans la société d'aujourd'hui où les gens cherchent à donner du sens à ce qu'ils font », explique Nicolas Sueur, président d'Emmaüs France.
Pour Nathalie Latour, responsable d'une fédération regroupant quelque 900 groupes de solidarité (FAS), les films et hommages montrent surtout que “les enjeux pour lesquels il s'est battu sont malheureusement toujours d'une grande actualité”.
Peu de temps après son accession à la présidence en juin 2017, Emmanuel Macron a déclaré qu’il souhaitait mettre fin au sans-abrisme dès sa première année de mandat, mais cela ne s’est pas concrétisé.
Selon les derniers chiffres de la Fondation Abbé Pierre, 330 000 personnes étaient sans abri en France en 2022, soit deux fois plus qu'en 2012. L'association a enregistré un nombre record d'enfants sans abri – 2 822 – en novembre 2023. Parmi eux, 686 étaient mineurs. de trois.
Laurent Desmard estime que l'appel de l'abbé Pierre du 1er février a toujours autant de sens, compte tenu de la “situation catastrophique” dans laquelle se trouvent les sans-abri.