La candidature de la Suède à l'OTAN a reçu un élan majeur lorsque le parlement turc a finalement ratifié sa demande d'adhésion cette semaine. Pourtant, la signature du président turc étant toujours nécessaire, l'attente de la Suède pour rejoindre l'alliance militaire n'est peut-être pas terminée.
Après dix longs mois, le parlement turc a voté mardi soir à une écrasante majorité en faveur de l'adhésion de la Suède à l'OTAN.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a retardé la ratification en faisant valoir une longue liste d'exigences de la part de ses alliés, et le vote a eu lieu après un lobbying diplomatique intensif mené par Washington.
Au cœur du retard se trouvait la demande d'Ankara que le Congrès américain approuve la vente d'avions de combat américains F-16 pour remplacer l'armée de l'air turque vieillissante.
“Ni les Etats-Unis ni la Turquie ne se font confiance à quelque niveau que ce soit”, a déclaré Asli Aydintasbas, analyste du groupe de réflexion Brookings Institution basé à Washington.
“Il n'y a pas non plus de confiance ici, à Washington, à l'égard des actions du gouvernement turc”, a-t-elle poursuivi. “Ils ne veulent pas se retrouver dans une situation où ils tiennent leurs promesses et où l'autre partie ne le fait pas.”
Méfiance mutuelle
Cette méfiance a été exacerbée par le manque apparent d’alchimie personnelle entre Erdogan et le président américain Joe Biden, qui a par le passé décrit le dirigeant turc comme un tyran.
Mais l’impasse a été brisée par un rare appel téléphonique entre les deux dirigeants le mois dernier. Biden aurait convaincu Erdogan qu'il ne pourrait persuader le Congrès d'autoriser la vente d'avions à la Turquie que si le parlement turc ratifiait l'adhésion de la Suède à l'OTAN – un accord qui remonte à l'année dernière, selon Sinan Ulgen d'Edam, un groupe de réflexion basé à Istanbul.
“Il existe un accord qui a été essentiellement conclu lors du dernier sommet de l'OTAN à Vilnius, selon lequel la partie américaine commencerait essentiellement à notifier formellement le paquet F-16 une fois que le parlement turc aura ratifié l'adhésion de la Suède à l'OTAN”, a déclaré Ulgen.
Mais derrière le long retard de la Turquie se cache le scepticisme d’Ankara quant à la capacité de Biden à convaincre le Congrès.
Canard boiteux?
L’hostilité envers Erdogan en raison de son autoritarisme et des menaces contre ses voisins, y compris la Grèce, est un problème rare qui comble le profond fossé entre démocrates et républicains américains.
Le ferme soutien d’Erdogan au Hamas, qu’il qualifie de « mouvement de libération », n’a fait qu’ajouter à cette hostilité.
Pendant ce temps, Biden est de plus en plus considéré comme un président boiteux à l’approche des élections de 2024.
“Maintenant (Donald) Trump est à nouveau sur la voie du triomphe, peut-être, probablement. Biden ne peut pas faire pression sur le Sénat et la Chambre des représentants pour le bien de la Turquie”, prédit Sezin Oney, commentateur du portail d'information turc Duvar. .
Oney souligne que l'échec de Biden à convaincre le Congrès d'approuver le financement de l'Ukraine ne peut qu'ajouter au malaise d'Ankara.
“Je veux dire, il n'a pas pu le faire dans le cas de l'Ukraine ; il a du mal avec ça. Alors comment peut-il le faire au nom de la Turquie, qui ne livre rien et, en plus, soutient le Hamas ?” elle a interrogé.
De la Turquie à la Hongrie
De telles préoccupations pourraient retarder encore davantage l'adhésion de la Suède.
Alors que le parlement turc a ratifié l'élargissement de l'OTAN, Erdogan doit approuver la législation et envoyer le document au Département d'État américain conformément aux règles de l'alliance militaire.
Mais une dynamique politique est à l’origine de cet accord.
“Les approbations du Congrès dépendent vraiment des porte-parole clés des partis au sein des commissions”, a déclaré l'analyste Aydintasbas. “L'accord bénéficie toujours d'une approbation écrasante – un nombre suffisant pour passer devant les commissions des relations étrangères des deux chambres, parce qu'il est si important pour l'unité transatlantique, et non parce que le Congrès américain approuve l'orientation de la politique étrangère de la Turquie.”
Mais même si l’obstacle de la Turquie est finalement surmonté, la Hongrie n’a pas encore ratifié l’accord – et le Premier ministre Viktor Orban, après 20 mois, exige maintenant des concessions non spécifiées de la Suède.
Erdogan étant un proche allié d’Orban, l’OTAN pourrait avoir besoin de l’aide de la Turquie pour enfin intégrer la Suède.
